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belge. Le second Empire donna quelques inquiétudes à la Belgique, et divers incidens qu’on n’a pas oubliés, en 1854, en 1863, en 1866, sans amener de complications, agitèrent les esprits. On se rappelle que l’affaire de Luxembourg, en 1867, habilement arrangée et exploitée par Bismarck, tourmenta la Belgique et faillit amener la guerre entre la France et la Prusse. Grâce à l’habileté du marquis de Moustier, la Conférence de Londres fit reconnaître, par l’article 2 du traité du 11 mai 1867, la neutralité du grand-duché de Luxembourg, sous la garantie solennelle des cours d’Autriche, de France, de Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie.

Lorsque la France eut déclaré la guerre à la Prusse, le 15 juillet 1870, le comte de Bismarck crut habile de faire connaître à l’Europe un projet de traité écrit, en août 1866, de la main même du comte Benedetti, et trouvé dans les papiers de Rouher, au château de Cernay. Ce projet secret, dont l’article 4 promettait le secours des armées prussiennes au cas où l’Empereur serait amené par les circonstances à faire entrer ses troupes en Belgique ou à la conquérir, n’était, d’ailleurs, qu’une formule imprudente, répondant aux suggestions perfides du chancelier. Celui-ci, avec sa rouerie habituelle, rejetait toute la responsabilité de l’affaire sur le Gouvernement impérial, qui aurait fait toutes les demandes et toutes les avances. Pour lui, il s’était borné à entendre un monologue ; et comme il montrait ensuite le document dont il avait fait établir un fac-similé authentique, l’Europe, sans croire à l’innocence de Bismarck, crut davantage à l’ambition effrénée de Napoléon III. L’Angleterre donna raison à la Prusse, et ce fut un des motifs qui la déterminèrent à former avec l’Italie, puis avec la Russie et l’Autriche, la fatale Ligue des neutres. Le comte Russell avait dit à la Chambre des Lords, avec une émotion que partagea l’Assemblée : « Il est impossible de n’être pas anxieux pour l’avenir quand on voit qu’en 1866 le premier ministre de Prusse et l’ambassadeur initié aux pensées de l’Empereur des Français, se sont concertés pour violer le traité de 1831, fouler aux pieds la foi publique et anéantir l’indépendance de la Belgique… Nos obligations, quant à ce royaume, sont des plus sacrées ; nous avons accepté ces obligations séparément aussi bien que conjointement avec d’autres puissances… Nous n’avons pas à choisir entre plusieurs chemins, nous n’avons à suivre qu’une seule voie, et cette voie