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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/224

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éclata, elle aurait éclaté plus tard. Bismarck n’aurait pas été embarrassé pour faire naître ultérieurement des circonstances dont elle eût été le dénouement nécessaire. Le gouvernement impérial avait eu en face de lui des adversaires dont l’inimitié avait ses racines dans le passé que je viens d’évoquer et qui étaient résolus à faire naître et à saisir toutes les occasions de porter à la France des coups mortels. Bismarck a été le plus fort d’entre eux et il a réussi. Sans doute on doit admettre que son savoir faire a été exagéré. On n’ignore pas que, dans la partie de » risquons tout » qu’il avait engagée audacieusement, il faillit, à plusieurs reprises, se casser les reins, et qu’il dut maintes fois au bon vent qui soufflait dans ses voiles, de conjurer les périls auxquels il s’était exposé. Tout, au contraire, s’est réuni contre nous, et la mauvaise fortune qui nous a atteints et frappés a été d’ailleurs singulièrement aidée par nos fautes.

Elles n’ont été que trop réelles. Il ne semble pas cependant qu’elles soient aggravées, — je ne parle ici que pour les années antérieures à 1866, — par les documens que met au jour le recueil publié par le ministère des Affaires étrangères, lequel ne nous conduit encore qu’à cette date. Après les avoir lus, on est même amené à se demander s’il n’y a pas excès de sévérité à accuser le gouvernement impérial « de s’être laissé conduire par des considérations exclusivement dynastiques » et trop souvent en opposition avec ce que commandait l’intérêt français. Au surplus, ne serait-il pas étonnant que dans une monarchie, il ne fut pas tenu compte de l’intérêt dynastique, lequel après tout n’est pas nécessairement en contradiction avec l’intérêt national et le plus souvent au contraire se confond avec lui ? Il me semble donc qu’à cet égard, un jugement définitif ne pourra être rendu que lorsque la publication documentaire qui m’a mis la plume à la main sera achevée. J’en dirai tout autant d’un autre grief formulé dans l’introduction de l’ouvrage, et d’où il résulterait, s’il était fondé, « que la diplomatie du second Empire, toujours attentive, souvent avisée et clairvoyante, a été malheureusement contrecarrée par une diplomatie occulte. » Les documens publiés jusqu’ici ne le prouvent pas. Ce n’est pas à dire que dans la suite ils ne nous en donneront pas la preuve ; mais, jusqu’à ce moment, une réserve impartiale s’impose. Elle est d’autant plus facile que, dans la circonstance, la question à résoudre ne présente plus qu’un intérêt purement historique.