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prises étaient devenues indispensables par le fait que nous avons reçu des nouvelles sûres, d’après lesquelles des forces militaires françaises étaient en marche contre le Luxembourg. Nous étions forcés de prendre ces mesures pour la protection de notre armée et pour la sécurité des lignes de chemins de fer. Un acte hostile contre le Luxembourg n’est point dans nos intentions. En présence de l’imminence du danger, il nous a été malheureusement impossible d’entamer des pourparlers préalables avec le gouvernement luxembourgeois. »

Ces pourparlers auraient pris, comme pour la Belgique, la forme d’un ultimatum à bref délai, et l’Allemagne eût passé outre. Elle savait bien d’ailleurs que la France ne songeait pas à violer le territoire luxembourgeois, pas plus que le territoire belge, et ses accusations contre nos projets étaient complètement dépourvues de vérité.

En méconnaissant la signature placée par la Prusse, d’accord avec les quatre autres grandes puissances, sur le traité qui garantissait la neutralité et l’indépendance de la Belgique, M. de Bethmann-Hollweg ne faisait que s’attribuer cette déclaration de Bismarck : « Même les gouvernemens enclins au sophisme et à la violence n’aiment pas manquer ouvertement à leur parole, tant que la force majeure d’intérêts prédominans n’entre pas en jeu. » Le chancelier actuel a dû avouer lui-même que la conduite de l’Allemagne a été contraire au droit des gens, que les protestations du Luxembourg et de la Belgique étaient justifiées et il a cru tirer son pays de la situation illégale et anormale où il s’est placé en invoquant, lui aussi, « la force d’intérêts prédominans, » c’est-à-dire « le bien suprême, » qui lui permet d’offenser toutes les lois. Un avenir prochain montrera s’il a pu le faire impunément.


Henri Welschinger.