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une main particulièrement ferme et persévérante. Nous désirons des relations agréables, amicales même, sans nous effrayer d’un manque d’amabilité. Voilà sur quoi l’Allemagne doit régler son attitude vis-à-vis de l’Angleterre, l’Allemagne officielle aussi bien que la nation elle-même. Une politique d’obséquiosité est aussi défectueuse qu’une politique de brusquerie. Le peuple anglais, le plus uni politiquement, ne se laisserait pas détourner, par les plus ardentes protestations d’amitié, de résolutions qu’il aurait reconnues avantageuses, et il ne verrait qu’un aveu de notre faiblesse dans les preuves d’amitié qui n’auraient pas pour base un intérêt reconnaissable. D’autre part, un peuple vaillant et fier comme le peuple anglais ne se laisserait, pas plus que le peuple allemand, intimider par des menaces ouvertes ou dissimulées. Appuyés aujourd’hui sur une flotte respectable, nous sommes vis-à-vis de l’Angleterre dans une autre posture qu’il y a quinze ans, où il nous fallait autant que possible éviter un conflit avec cette Puissance, jusqu’à ce que nous eussions construit notre flotte. A cette époque, notre politique extérieure se trouvait jusqu’à un certain point sous la dépendance de nos armemens : il lui fallait travailler dans une situation anormale. Aujourd’hui, l’état normal est rétabli : les armemens dépendent de la politique. L’amitié comme l’hostilité de l’Empire allemand, appuyé par une flotte puissante, ont maintenant pour l’Angleterre, cela va de soi, une importance autre que l’amitié et l’hostilité de l’Allemagne dépourvue de moyens d’action sur mer, comme elle l’était à la fin du XIXe siècle. La diminution de l’écart entre les forces anglaises et allemandes représente une décharge importante en faveur de notre politique extérieure vis-à-vis de l’Angleterre. » On sent déjà l’intimidation sous ces paroles. Cependant l’Allemagne aimerait mieux inspirer de la confiance que de la crainte, et il faut voir de quel ton M. de Bülow s’efforce de calmer les appréhensions que risque de faire naitre la grandeur de l’Allemagne, en vantant sa modération. De tous les peuples de la terre, dit-il, celui qui a le plus rarement attaqué pour conquérir est le peuple allemand. Et ici encore nous devons citer, car on ne nous croirait pas si nous ne le faisions pas à la lettre : (c Sans exagération ni vantardise, écrit donc M. de Bülow, on peut affirmer que jamais encore dans l’histoire une Puissance militaire d’une force aussi supérieure que celle de l’Allemagne n’a servi dans la même mesure la cause de la paix.