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Cet empire du monde que l’Allemagne s’adjuge, l’Angleterre entend le lui disputer, le lui enlever, non pas pour l’accaparer elle-même, mais pour qu’il n’appartienne à personne, au grand profit de la liberté de tous. C’est ce que ne cesse pas de répéter M. Asquith dans ses éloquens discours et ce que dit, avec non moins de force, M. Lloyd George, si longtemps partisan d’un accord avec l’Allemagne et revenu aujourd’hui de son erreur. Mais le discours le plus important qui avait été prononcé ces derniers jours l’a été à Liverpool par M. Winston Churchill, ministre de la Marine, devant plusieurs milliers d’auditeurs, qui l’ont applaudi avec enthousiasme.

« Le temps, a-t-il dit, est aux actes et non aux paroles. Vous n’avez que faire d’être inquiets des résultats. Nos armées ont eu une bonne fortune supérieure à nos espérances. Même si la bataille qui se poursuit en ce moment devait être aussi désastreuse qu’elle semble, au contraire, devoir être favorable à nos armes, même si d’autres combats devaient nous être fatals, l’Empire britannique, s’il est résolu à continuer la lutte, finira par donner au conflit la solution qu’il estime devoir lui donner. En ce qui concerne la marine, nous ne pouvons pas combattre tant que l’ennemi reste dans ses ports, mais nous espérons bien que les choses ne continueront pas ainsi, et, si les Allemands ne sortent pas pour combattre, on ira les chercher comme des rats dans leurs trous... Depuis que je suis responsable pour la marine, j’ai eu chaque jour des preuves du système d’espionnage que l’Allemagne entretient en Angleterre. Chaque dégoûtant petit lieutenant allemand venant ici en congé, a pensé qu’il serait en faveur auprès de ses supérieurs s’il écrivait où on pouvait trouver de bonnes eaux, où il y avait une forge de maréchal-ferrant, combien un village ou une ville pouvait fournir de provisions pour un bataillon ou pour une brigade... Nous sommes entrés dans ce conflit pour aider la France, le pays le plus démocratique du monde, et pour l’empêcher d’être écrasée : aussi pour protéger la Belgique, un petit État. Les souffrances de la Belgique ne resteront pas impunies. Le pouvoir de l’Angleterre sera exercé avec patience jusqu’à ce que toutes les réparations soient obtenues. Nous avons appris que l’ambassadeur d’Allemagne aux États-Unis parlait vaguement de paix, mais ce mot ne doit pas se trouver sur les lèvres de ceux qui ont envahi le territoire de leurs voisins et qui portent l’épée et l’incendie dans des provinces paisibles. Pendant que ce spectacle continue et que la fureur de leur abominable cruauté s’élève vers le ciel, ce n’est pas le moment de parler de paix. La paix ! Ah ! mais nous venons à peine de commencer ! La paix avec le peuple