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pas de ce côté qu’ils devaient aujourd’hui porter leur principal effort. Notre imagination va vite, elle supprime les obstacles : nous avons entendu, dès le commencement de la guerre, calculer d’une manière un peu fantaisiste à quel moment les Russes ne pouvaient manquer d’arriver à Berlin. On n’avait pas fait entrer dans ces calculs l’obligation où ils étaient, avant de marcher vers l’Ouest, de se débarrasser de l’armée autrichienne, qui était très nombreuse sur leur flanc gauche, tandis qu’ils avaient une armée allemande à leur droite et devant eux. Les grandes batailles ont été livrées jusqu’à ce jour à l’armée autrichienne : elles se sont constamment terminées par la victoire russe. Au Sud, sur le Danube, l’admirable armée serbe a maintenu devant elle une autre armée autrichienne et n’a pas cessé de la battre. Le moment viendra sans doute bientôt où la Russie, définitivement victorieuse de l’Autriche, réunira toutes ses forces contre l’ennemi principal, qui est l’Allemagne, et nous espérons bien qu’à ce moment, ils seront aussi vainqueurs de ce côté. Ils sont déjà tout près de Cracovie, qui leur ouvre le chemin de la Silésie. Cette guerre, comme celle que nous soutenons nous-mêmes, est poursuivie méthodiquement. Le temps d’ailleurs favorise les alliés. Les Anglais avouent qu’ils ne s’étaient pas préparés à la guerre continentale et qu’il leur faut encore quelque temps pour y disposer de toutes leurs forces. Ils annoncent, on l’a vu, qu’ils y enverront une armée d’un million d’hommes. Cet énorme contingent viendra grossir le nôtre, qui n’est pas encore non plus tout à fait au complet : mais nos ressources ne sont pas épuisées. Quant à la Russie, elle peut augmenter presque indéfiniment le chiffre de ses soldats. Il n’en est certainement pas de même de l’Allemagne : elle a mis dès le premier Jour en ligne la totalité de ses forces valides et elle est réduite dès maintenant à appeler sous les drapeaux les enfans et les vieillards. Le temps nous renforce et il l’épuise.

Cette lutte gigantesque se poursuit de part et d’autre avec un acharnement qu’expliquent les conditions dans lesquelles elle est engagée et les fins qu’elle vise : c’est un duel à mort.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.