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LA
CATHÉDRALE DE REIMS[1]

Blessée grièvement, sinon morte, elle est toujours vivante dans notre souvenir et dans notre amour. En parlant d’elle, je penserai à ce qu’elle était hier et à ce qu’elle sera demain, lorsqu’après nos victoires nos mains pieuses redonneront à Notre-Dame de Reims sa blanche robe de pierre. Et si nos mains depuis longtemps désaccoutumées de ces sublimes travaux ne savent plus, comme nos ancêtres, tisser ces fines dentelles de pierre, ce qu’il y aura d’imparfait dans notre œuvre sera là pour rappeler à toutes les générations futures le crime de nos ennemis, pour dire contre quels barbares, à certain moment de son histoire, la France eut à lutter.

Allemagne, la poussière de ces murs éventrés par toi fera sur ta robe une tache non moins indélébile que le sang des femmes et des enfans dont tu l’as souillée !

  1. Au moment de mettre cet article sous presse, nous avons le regret d’apprendre la mort de son auteur, M. Marcel Reymond. Rien ne nous avait fait prévoir ce dénouement prématuré d’une existence laborieuse, qui a été consacrée à l’étude et à l’histoire de l’art. M. Marcel Reymond se mettait tout entier dans les opinions qu’il défendait ; il y apportait, avec une compétence incontestée, une véritable passion, et c’est ce qui donnait tant de vie à ses écrits comme à sa parole. La même passion, plus ardente encore s’il était possible, inspirait son patriotisme. La guerre qui se poursuit, les crimes qui l’accompagnent, l’incendie de la cathédrale de Reims en particulier l’avaient profondément ému et indigné. Une dernière fois il a repris la plume pour décrire l’admirable monument qu’il avait tant admiré et aimé et qui, devant les siècles futurs, témoignera de la barbarie germanique. L’homme et l’artiste avaient été cruellement blessés en M. Marcel Reymond. Quelques jours avant sa mort, il écrivait à son ami, M. André Michel : « Comment pourrons-nous continuer à vivre des heures pareilles ? » Et, en effet, il ne l’a pas pu : une crise subite l’a brusquement emporté.