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sur mer comme sur terre, en vue du conflit actuel, ils sont prêts à toute éventualité. Ce n’est pas eux qui eussent jamais souri d’un air supérieur à qui leur parlait de guerre sous-marine !

Laissons cela. Le point essentiel est qu’il n’y a pas que la Hollande qui soit en situation de s’opposer au transport de la flotte germaine dans l’Escaut. Il y a surtout la flotte anglaise.

De Borkum, dernier point d’appui allemand dans l’Ouest, à Flessingue, on compte 185 milles marins environ, soit, au bas mot, douze heures de marche, et il faut doubler un saillant 1res marqué, celui de Tershelling, à l’angle nord-ouest du long chapelet des îles Frisonnes. Certes, ainsi que les mobiles armées d’autrefois, une flotte de guerre peut toujours essayer de dérober une marche à l’ennemi : une brume favorable et de bons pilotes — comme en ont les Allemands — viennent aider à point un amiral audacieux. Cependant, comment échapper, dans un cas comme celui-ci, à la vigilance surexcitée des éclaireurs de la grande flotte anglaise ? Comment, une fois découvert, éviter cet engagement décisif qu’on a retardé tant que l’on a pu et que nos vaillans alliés souhaitent si impatiemment ?…

D’ailleurs, arrivé dans l’Escaut, après en avoir forcé les barrages, non sans peine, ni sans pertes sans doute, après avoir canonné Flessingue[1] et refoulé au nord, dans le dédale de l’archipel hollandais, gardes-côtes, canonnières et torpilleurs, comment en sortir au moment voulu, si facilement « embouteillé » que l’on, serait par l’adversaire ?

D’une entreprise aussi compliquée le succès reste donc bien aléatoire, et les suites, en tout cas, fort obscures, s’il s’agit d’amener dans l’Escaut une force navale composée d’unités naviguant exclusivement « en surface. » S’il n’est question que

  1. Il ne suffirait d’ailleurs pas de canonner cette place maritime et d’éteindre momentanément ses feux. Il faudrait évidemment la détruire et l’occuper, comme le firent les Anglais eux-mêmes en 1809, lorsqu’ils exécutèrent cette grande descente qui prétendait à la prise et à la ruine d’Anvers, alors arsenal français et base d’opérations de la belle escadre de Missiessy. Mais, encore que Flessingue ne soit pas fortifiée à la moderne comme Hock Van Holland et Ymuiden (avancées sur la mer de Rotterdam et d’Amsterdam), le siège en serait trop long et trop difficile en présence de la flotte anglaise.