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commerciale pourraient conserver les marchés continentaux de la Hongrie et de l’Autriche ? Les revenus des peuples n’en seraient peut-être pas diminués ; leur sort même n’en serait que médiocrement affecté ; ces grandes fermes continentales attireraient toujours les acheteurs et les fournisseurs des usines étrangères ; mais entre elles et le reste de l’humanité, ce ne seraient plus les Juifs de la monarchie qui seraient les intermédiaires de commission, de courtage et de banque. A la chute de cet empire féodal, les Juifs perdraient et au centuple, ce qu’ils ont perdu à toutes les chutes de pouvoirs moyenâgeux, — leur monopole financier et bancaire sur quarante ou cinquante millions de chrétiens.

Le Juif est donc en Autriche le meilleur des Autrichiens, en Hongrie, le meilleur des Magyars et, dans toute la monarchie, le meilleur des « dynastiques ; » il est tout dévoué au triomphe du germanisme : « La masse des Juifs galiciens et hongrois, qui émigrent à Vienne et dans le reste de l’Autriche, revendique la nationalité allemande… : depuis 1870, les Juifs ont cru à la prépondérance de l’Allemagne, et, en conséquence, ont voulu jouer le gagnant. » Telle était du moins dans la monarchie l’attitude de la plupart des Juifs jusqu’au jour où le Sionisme les détourna de « s’identifier complètement avec le germanisme. »

Le Sionisme leur prêcha, avec la confiance en eux-mêmes et en l’avenir de leur race, « le courage de leurs convictions. » Le Sionisme fut pour les jeunes intellectuels juifs d’Autriche-Hongrie une transformation morale. de contact avec le monde extérieur avait fait perdre à la plupart la foi de leurs pères ; ils cherchaient à écarter leur vraie nature ; ils acceptaient en politique et en morale l’idéal allemand ; ils s’efforçaient en toute sincérité de sentir comme des Allemands. » Le Sionisme leur prêcha « d’être juifs et d’en être fiers, leur apprit à se glorifier de la puissance et de la ténacité de leur race, à s’offrir le luxe de la sincérité morale et intellectuelle, à sentir l’orgueil d’appartenir au peuple qui a donné à la chrétienté ses dieux, qui a enseigné à la moitié du monde le monothéisme, dont le génie a façonné le mécanisme entier du commerce moderne, dont les artistes, les acteurs, les chanteurs et les écrivains ont tenu dans l’univers cultivé une plus grande place que ceux d’aucun autre peuple. »

Le Sionisme donnera-t-il jamais aux Juifs la patrie terrestre