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préface d’Ernest Renan, celui-là n’aura pas été l’uni des moins puissans. Combien de fois, pour ma part, — et soit qu’il s’agit de Mozart, des vieux peintres de Cologne, ou des premiers manuscrits de la Légende Dorée, — combien de fois j’ai eu l’ennui de reconnaître que tel fait qui m’était garanti par vingt livres allemands n’avait été, à l’origine, que l’opinion personnelle, plus ou moins fantaisiste, de quelque Professor plus ou moins notoire !


Mais à cette cause d’erreurs déjà très ancienne, et dénoncée chez nous par bien d’autres que Renan, est venue s’ajouter aujourd’hui une cause nouvelle qui, si l’auteur des Origines du Christianisme avait pu la connaître, l’aurait certes déçu plus tristement encore. En même temps qu’elle perdait son audace d’autrefois, la science allemande se dépouillait aussi de ces « rares qualités de diligence et d’application » qui, pendant un siècle, lui avaient mérité l’estime de nos pères. Une différence énorme nous apparaît, à ce point de vue, entre son état présent et celui que s’accordait à louer la génération de Renan et de Taine. C’est comme si les chercheurs d’outre-Rhin en étaient arrivés à considérer également comme de méprisables préjugés « latins » tout souci d’exactitude rigoureuse, tout désir de perfection dans la « mise au point » d’un travail. Voici, par exemple, les index placés à la fin des trois derniers « mémoires » que j’aie eu l’occasion de lire : l’étude sur les Modèles de Sherlock Holmes, l’étude sur Brunetière, et la Vie de Muzio Clementi ! A chaque page des trois brochures, je rencontre des noms qui manquent dans l’index ; ou bien, souvent, les pages désignées par l’index ne sont pas celles qui contiennent les noms énoncés. Et si encore toute la ration d’erreurs de ces trois mémoires se trouvait concentrée dans les tables des matières ! Mais c’est d’un bout à l’autre du texte lui-même que fourmillent les dates inexactement rapportées, les phrases françaises ou anglaises fâcheusement défigurées, pour ne rien dire de l’effroyable lourdeur, parfois à peine correcte, des phrases allemandes des trois « jeunes docteurs ! » Pas un de ces travaux qui ne porte les traces d’une négligence coutumière et presque « obligatoire, » comme si les auteurs avaient reçu de leurs maîtres la « consigne » de ne plus perdre leur temps à satisfaire de vains scrupules de conscience professionnelle !

Oui, vraiment, il s’est fait de nos jours une révolution très profonde dans l’atmosphère « morale » de la science allemande, — la même révolution que nous ont montrée déjà les autres grands modes de la vie nationale d’outre-Rhin. Rappellerai-je brièvement tels exemples