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réussissait à découvrir le moment où la guerre générale est devenue inévitable, on pourrait espérer éclaircir un peu cette terrible question des responsabilités. C’est ce que nous essayerons de faire. Sans méconnaître la valeur des autres élémens de preuve dont nous disposons, nous ne tiendrons compte que des documens diplomatiques jusqu’ici publiés par les gouvernemens de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la France et de la Russie. Nous tâcherons d’étudier, sur ces documens, les oscillations de la politique des Grandes Puissances, à partir du 23 juillet, sans tenter de pénétrer le mystère des intentions, mais dans l’espoir et avec le but de trouver l’acte décisif, qui a déchaîné la guerre générale. Si nous le trouvons, nous aurons le droit de considérer comme responsable de la conflagration la Puissance qui aura accompli cet acte.


I

Le 23 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie remettait à la Serbie la note qui a provoqué la guerre. Cette note produisit l’impression la plus profonde dans toute l’Europe. Elle sembla très grave non seulement par les demandes qu’elle contenait, mais aussi par le délai extrêmement court qu’elle concédait à la Serbie pour y répondre. L’intention de remporter par surprise un grand succès diplomatique sur la Serbie et sur la Russie parut d’autant plus évidente que le gouvernement autrichien avait cherché à faire croire aux Puissances de la Triple-Entente que la note serait conciliante et modérée. Mais si la surprise ne réussissait pas, si la Russie refusait d’abandonner la Serbie à son sort, l’Europe ne serait-elle pas exposée au danger d’une guerre générale ? Le 24 juillet, Sir Edward Grey le dit très clairement à l’ambassadeur d’Autriche, qui était venu lui remettre le document. Tout en reconnaissant que, dans la question de l’assassinat de l’archiduc, l’Autriche-Hongrie avait