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d’Allemagne remettait au gouvernement russe la déclaration de guerre, ainsi conçue :


Le Gouvernement impérial s’est efforcé, dès les débuts de la crise, de la mener à une solution pacifique. Se rendant à un désir qui lui en avait été exprimé par Sa Majesté l’Empereur de Russie, Sa Majesté l’Empereur d’Allemagne, d’accord avec l’Angleterre, s’était appliqué à accomplir un rôle médiateur auprès des cabinets de Vienne et de Saint-Pétersbourg, lorsque la Russie, sans en attendre le résultat, procéda à la mobilisation de la totalité de ses forces de terre et de mer. A la suite de cette mesure menaçante motivée par aucun préparatif militaire de la part de l’Allemagne, l’Empire allemand s’est trouvé vis-à-vis d’un danger grave et imminent. Si le Gouvernement impérial eût manqué de parer à ce péril, il aurait compromis la sécurité et l’existence même de l’Allemagne. Par conséquent, le Gouvernement allemand se vit forcé de s’adresser au Gouvernement de Sa Majesté l’Empereur de Toutes les Russies, en insistant sur la cessation desdits actes militaires. La Russie ayant refusé de faire droit à cette demande et ayant manifesté, par ce refus, que son action était dirigée contre l’Allemagne, j’ai l’honneur, d’ordre de mon Gouvernement, de faire savoir à Votre Excellence ce qui suit :

Sa Majesté l’Empereur, mon Auguste Souverain, au nom de l’Empire, relevant le défi, se considère en état de guerre avec la Russie[1].


Après la longue analyse de documens que nous venons de faire, il n’est peut-être pas trop difficile de relever les points faibles de l’exposition historique qui précède la déclaration de guerre. Il y a eu, dans cette fatale semaine qui va du 24 au 31 juillet, deux périodes différentes. Dans les premiers jours, c’est l’Autriche qui met en danger la paix de l’Europe, par sa politique agressive et intransigeante, en ne tenant aucun compte des déclarations réitérées et très nettes de la Russie. On pourra reprocher à la Russie tout ce qu’on voudra, hors d’avoir manqué, pendant cette crise, de franchise, car elle a déclaré, dès le début, à tout le monde, l’Autriche et l’Allemagne comprises, qu’elle n’abandonnerait pas la Serbie à sa destinée, et qu’elle mobiliserait, si la Serbie était attaquée. L’Allemagne au contraire assiste, pendant les premiers jours, au développement de la crise avec des oscillations dont il est difficile de pénétrer les intentions cachées ou les raisons profondes. Elle débute par des menaces voilées ; puis elle se recueille dans une sorte d’optimisme indolent ; enfin elle tente d’amener la Russie à une capitulation en exerçant une pression

  1. German White Book, doc. n. 26. Ce document est reproduit dans l’original français, que j’ai transcrit à la lettre.