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LA FRANCE PACIFIQUE

Les événemens qui viennent de se succéder avec une rapidité foudroyante laissent bien peu de liberté à la pensée. Il faut faire effort pour réfléchir, comprendre, déduire, ne pas se laisser emporter, contre les barbares agressions des Germanies, par le torrent de l’universelle indignation. Je vais donc essayer d’exposer ici avec sérénité, — la sérénité est-elle possible en de tels jours ? — quel doit être notre état d’âme, si, au milieu des clameurs de la guerre, nous ne voulons pas perdre de vue l’idée sainte de la paix.

Il semble, à l’heure présente, que la cause de la paix soit compromise pour longtemps, pour toujours peut-être. Et en effet, à voir l’impétueux élan de la plus libre partie de l’Europe vers les batailles de l’indépendance, à voir cette vaillante ardeur guerrière qui a confondu dans une commune espérance toutes les classes et tous les partis, parmi le fracas des canons et les cris des blessés, on serait tenté de dire que la conception d’une humanité pacifiée et pacifique est chimère et folie. Mais ce serait bien mal comprendre le sens profond de cette formidable lutte.

Il ne faut pas que le présent obscurcisse l’avenir, et que les fumées des incendies et des mitrailles nous masquent l’aurore prochaine. La guerre actuelle provient de deux causes qu’elle supprimera. De sorte que, ces causes une fois supprimées, la paix enfin rétablie reposera sur une base solide qui sera, nous le croyons fermement, inébranlable.

Ces deux causes de guerre étaient l’asservissement de l’Alsace-Lorraine et l’hégémonie de l’absolutisme prussien sur l’Allemagne.