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Comme une mère fait pour sa progéniture,
Y remporte, sans plus tarder, une âme pure ?

Vaine attente, espoir vain !… Rien, rien !… Les yeux sont clos,
Les bras raidis…, Quoi ! c’est déjà l’affreux repos,
De la matière inerte aux vermines livrée !
Quoi ! Par un corps impur si longtemps torturée,
L’âme va donc le suivre encor dans le néant ?
Hélas !…, La reine au ciel lance un regard navrant,
L’angoisse lui remonte au cœur et va l’étreindre…
Mais avant qu’elle ait pu s’indigner ou se plaindre,
Soudain, on ne sait d’où, sur le masque blêmi
De la morte, si dur lorsqu’il s’est endormi,
Un sourire descend, le déride et s’y pose,
Aussi doux qu’un baiser du matin sur la rose.

Marguerite tressaille. Elle a compris. « Pardon,
Pardon, fait-elle, ô mon Sauveur, très beau, très bon,
Si j’ai douté ! Jamais, durant sa vie humaine
Pareil nimbe de joie et d’extase sereine
N’illumina le front de cet être innocent.
Toi seul as pu le faire aussi resplendissant,
Je vois, je sens, je sais comment tu transfigures,
Dès ton premier regard, les saintes créatures !
Merci, Seigneur » —

Et quand, son timbre sous ses doigts
A tinté, tous ses gens accourent à la fois,
Tous anxieux : docteur, chapelain, chambrières ;
Mais elle : « Assez de pleurs, et tardives prières,
Notre sœur a déjà reçu sa palme aux Cieux.
À ce divin sourire et cet air radieux
Voit-on pas qu’elle entend la musique des Anges ?
La clémence de Dieu n’attend que nos louanges. »

Et vingt voix aussitôt, psalmodiant en chœur,
Ont répété : « Béni, béni soit le Seigneur ! »