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Lettres ; l’Instruction publique, la Faculté de droit ; les Finances, la Faculté de médecine ; le Commerce, l’Ecole coloniale ; les Colonies, la Chambre de Commerce ; les Travaux publics, l’Agriculture, et le Travail, le lycée de Longchamp. Quant à M. Guesde, ministre sans portefeuille, il a placé son cabinet spirituel dans la rue Esprit-des-Lois. Enfin, l’État-major s’est transporté dans l’hôtel du commandant du 8e corps avec le Ministre de la Guerre et son Cabinet civil. Les ministres ont chacun une automobile à leur disposition et ils se réunissent tous les matins chez le Président, rue Vital-Caries, dans une vaste salle donnant sur un grand jardin, le seul où il y ait des oiseaux. Car, chose curieuse, tandis qu’à Paris nous avons presque dans toutes les rues des moineaux familiers et nombreux, à Bordeaux il n’y a pour ainsi dire pas un seul de ces oiseaux ni dans les rues, ni dans les squares ou jardins.

L’animation des cours et des rues est grande et, malgré la disparition des voitures des particuliers, il y a encore assez d’autos pour produire un vacarme désagréable auquel se mêle le bruit fastidieux des sifflets que manient avec une insistance brutale tous les porteurs, anciens crieurs de journaux. Les rues qui donnent abri à la France du Sud-Ouest, au Nouvelliste, à la Liberté du Sud-Ouest, etc., sont envahies par les camelots, qui se disputent les feuilles aussitôt parues, se ruent sur les kiosques et, en courant, les vendent aux passans curieux. La Bibliothèque de la Ville, voisine de l’église Notre-Dame, rue Mably, est fréquentée par les étudians et les travailleurs de Bordeaux, ainsi que par des membres de l’Institut que des affaires personnelles ou publiques ont appelés momentanément dans la ville et qui n’ont qu’à se louer de l’empressement et de l’obligeance des bibliothécaires, aussi gracieux qu’érudits.

Les Cercles sont déserts, mais, les cabinets de lecture comme le Panbiblion sont très fréquentés. On nous avait promis des conférences sur la Guerre ; on y a renoncé pour le moment. Quelques curieux, comme moi, profilent de leurs rares loisirs pour revoir les attractions historiques de la ville, les ruines du Palais Gallien, les anciennes portes, la cathédrale, la Tour Saint-Michel et des demeures antiques peu connues. Un brave huissier du ministère des Finances, qui a le goût des choses passées, m’expliquait gravement qu’il avait eu le plaisir de découvrir l’ancien lycée et le tombeau de Michel Montaigne.