toute sincérité. Pris entre deux adversaires, ils avouaient avoir besoin d’écraser l’un des deux du premier coup, pour retourner ensuite et concentrer toutes leurs forces sur l’autre. Si la guerre se prolongeait, ils ne pouvaient qu’y perdre. Or la guerre se prolonge. Les Allemands ne sont jusqu’à présent venus à bout ni de nous, ni des Russes. Il est vrai que ni les Russes ni nous ne sommes encore venus à bout d’eux, mais nos situations respectives ne sont pas les mêmes : dans cette guerre d’usure, ils s’usent par les deux bouts, ce qui n’est ni notre cas, ni celui des Russes. Notre imagination s’était quelque peu exaltée et égarée sur le compte de ces derniers ; nous avions cru que leurs succès seraient plus rapides, mais il est vraiment difficile de dire d’où nous venait cette confiance. Les Russes tiennent la campagne avec une grande bravoure et, comme nous-mêmes, avec des alternatives diverses. On n’en sera pas surpris si on veut bien songer que les Allemands disposent pour la rapidité de leurs mouvemens de tout un réseau de voies ferrées spécialement créées en vue de la guerre : les Russes ont à ce point de vue une infériorité que, malgré leur nombre, ils ne peuvent pas compenser en quelques jours, car le nombre se fait obstruction à lui-même si on n’a pas les moyens et si on ne prend pas le temps de l’écouler. En dépit de tant de difficultés, les Russes ont maintenu sur une longue ligne une résistance dont le maréchal de Heidenburg n’est pas venu à bout. Il semble que les Allemands, dont l’intention première était de nous écraser d’abord et de se retourner ensuite contre les Russes, ne nous ayant pas écrasés, aient renversé leur plan et conçu le dessein de faire durer la guerre contre nous en attendant qu’ils eussent écrasé les Russes. Ils se sont donc terrés dans les Flandres : ils y pratiquent et nous imposent la guerre de tranchées. Où sont ces heureuses manœuvres de 1870, à la suite desquelles ils encerclaient et enlevaient des armées entières ? Celles d’aujourd’hui n’y ressemblent guère ! Partout l’offensive allemande est arrêtée. Cela nous a permis de réparer, sur bien des points, les insuffisances originelles de notre préparation et nous permet maintenant d’attendre les renforts considérables que l’Angleterre doit nous envoyer dans quelques semaines. Enfin nul n’ignore le travail qui se fait dans l’esprit de plus d’un pays neutre, travail dont nous ne dirons qu’un mot aujourd’hui, à savoir qu’il ne nous est pas défavorable et que nous avons quelque chose à en espérer. On nous recommande la patience : nous aurions bien tort de ne pas la pratiquer.
Un petit peuple, la Serbie, très grand par le courage, vient de