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pal qu’on s’était proposé par la déclaration de guerre allait enfin être réalisé. On sait comment les choses ont tourné. Les Autrichiens marchaient fièrement sur Nisch lorsqu’ils ont rencontré l’armée serbe. Ils s’apprêtaient à l’écraser : c’est tout le contraire qui est arrivé. Avec une troupe qui semblait réduite à la dernière extrémité, les Serbes, par un merveilleux sursaut de courage, ont fondu sur l’armée austro-hongroise et l’ont brisée en morceaux. Depuis Granson et Morat, on n’avait rien vu de pareil. La veille de la bataille, le vieux roi Pierre, que l’âge et la maladie condamnent à une sorte de retraite et qui, sans avoir officiellement abdiqué, a cédé à son fils l’exercice du pouvoir, est venu se mettre au milieu de ses soldats en disant qu’il voulait mourir avec eux. La présence du vieillard, son attitude, son langage ont électrisé l’armée serbe, et il s’est produit un de ces phénomènes qui montrent ce que peut l’énergie morale lorsqu’elle est montée à un certain diapason. Tout semblait perdu, tout a été sauvé. L’armée ennemie a été repoussée jusqu’à la Drina, laissant entre les mains du vainqueur 20 000 prisonniers et près de cent canons. Il n’y a plus en ce moment, disent les dépêches, un seul soldat autrichien en Serbie, à l’exception des prisonniers. Enfin Belgrade, dont la prise avait provoqué un si vif enthousiasme en Autriche, a été réoccupée par les Serbes, au milieu d’un enthousiasme qui n’a pas été moindre et qui semble beaucoup mieux justifié.

Veut-on voir comment l’état-major austro-hongrois a annoncé sa défaite ? « Certaines parties de nos troupes en Serbie se sont heurtées, dit-il, à l’Ouest de Milanovacz, à des forces ennemies importantes et n’ont pu passer. Afin d’échapper à la contre-attaque ennemie, certaines de nos troupes ont été dirigées vers des secteurs dont la position est favorable. » Elle est favorable peut-être, mais elle n’est pas en Serbie. Une dépêche explique que l’armée austro-hongroise n’a pas été vaincue par les Serbes, mais par la faim : elle s’en allait d’inanition lorsqu’elle a été assaillie. Cela ne fait pas l’éloge de l’intendance autrichienne. Toutes ces versions et explications ne méritent qu’un haussement d’épaules. Il est certain que les Autrichiens ont été battus, comme on dit vulgairement, à plate couture, et l’événement a été d’autant plus impressionnant qu’il était plus imprévu. Il a produit à Vienne et à Pest une confusion extrême. Être battu par les Russes, passe encore, mais par les Serbes ! On va de surprise en surprise dans cette guerre, où il est de plus en plus manifeste que l’alliance allemande est le contraire d’un tahsman. Peut-être commence-t-on à s’en apercevoir à Vienne et encore davantage à Pest. Des bruits sin-