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le statut politique des deux pays que nous soumettions à notre influence ; mais l’avons-nous fait au Maroc ? Nous y avons établi notre protectorat. Les circonstances, a-t-on dit, nous y ont obligés : il faut bien avouer que les circonstances actuelles, si elles n’obligeaient pas l’Angleterre à établir le sien en Égypte, pouvaient l’encourager à le faire et la justifier de l’avoir fait. Tout ce que nous avons à lui demander aujourd’hui est de reconnaître le nôtre au Maroc en retour de la reconnaissance que nous faisons du sien en Égypte. Le parallélisme le veut. Des difficultés avaient surgi. L’Angleterre ne voulait reconnaître notre protectorat que lorsque la situation de Tanger aurait été réglée. Les deux reconnaissances sont aujourd’hui liées l’une à l’autre. Elles faciliteront de part et d’autre la solution d’un certain nombre de questions qui étaient restées en suspens. Les situations réciproques y gagneront en clarté.

L’établissement du protectorat anglais en Égypte est encore un résultat de la politique allemande en Turquie. Le lien qui unissait l’Égypte à la Porte était bien faible, bien relâché ; mais enfin il existait encore : le khédive était le vassal du Sultan et lui payait un tribut annuel. C’était là un souvenir du passé, beaucoup plus qu’une espérance d’avenir. Il faut pourtant croire que cette espérance n’était pas tout à fait éteinte dans le cœur de la Turquie, de la Jeune-Turquie, puisqu’elle a cru que, grâce à l’appui de l’Allemagne, elle pourrait encore jouer un rôle en Égypte. On a dit qu’une armée ottomane se réunissait en Syrie et qu’elle avait l’Égypte pour objectif : elle trouvera quelques obstacles sur sa route. L’aveuglement des Jeunes-Turcs est tel qu’on n’a pas été surpris de les voir s’embourber dans cette nouvelle aventure : on l’a été davantage en voyant le Khédive Abbas-Hilmi, qui ne manque pas d’intelligence et qui est personnellement sympathique, tomber malaladroitement dans le piège. Il était à Constantinople depuis quelque temps déjà, et ce qui aurait dû le refroidir sur la politique qu’on y pratique, c’est qu’il a failli y être assassiné. Mais on a fait reluire à ses yeux l’image séduisante d’une Égypte où il rentrerait en vainqueur avec une armée turque et d’où il chasserait les Anglais. Ce rêve, qui lui a porté à la tête, lui a coûté sa couronne. Les Anglais l’ont destitué, comme un simple préfet qui aurait manqué à ses devoirs hiérarchiques, et l’ont remplacé par son oncle, le prince Hussein-Kemal, homme distingué, cultivé, qui a été élevé à Paris à la fin du second Empire et qui se pliera naturellement aux circonstances dont il vient de bénéficier. Avec lui, les Anglais n’ont plus à craindre une velléité d’indépendance. Le prince Hussein-