suprême et définitif, signal de la régénération. La France est l’ennemie à qui on ne pardonne pas la conquête et l’assimilation de l’Alsace dans le passé. Ses assurances pacifiques ne sont reçues qu’avec d’injurieux soupçons : nombre de brochures paraissent où tantôt on traite de la manière de combattre l’armée française, tantôt on trace un plan d’invasion de la France avec toutes les étapes marquées jusqu’à Paris.
Mais c’est de la guerre civile des Etats-Unis que Laugel est surtout l’historien. Pendant cinq ans, il en étudie, en de fréquens articles, la cause et le caractère, et en suit les opérations. Un séjour en Amérique lui a même permis d’assister à toute une période de la lutte dans l’intimité du Gouvernement fédéral des Lincoln, des Seward, des Sumner, des Quincy, et aux côtés des meilleurs généraux ; nul n’est mieux informé sur les partis et leurs principaux représentans. Puis il a épousé, en 1854, Miss Chapmann, d’une famille de Boston aussi considérable que cultivée, fort dévouée à l’abolition de l’esclavage, et dont le rôle ne fut pas sans importance avant comme pendant la guerre de Sécession. Aussi l’élite politique et littéraire des Etats du Nord de passage à Paris, se retrouve dans le salon du jeune ménage avec M. et Mme Mohl, la marquise de Montagu, Lady Elgin, l’auteur anglais Mrs Gaskell, les Quatrefages, Villemain, Collegno, Ampère, Loménie, Souvestre, Tourguénef, Geoffroy Saint-Hilaire et beaucoup d’autres habitués non moins goûtés, non moins connus.
Mme Laugel était nièce de M. Sylvain Van de Weyer, ministre de Belgique à Londres dès la création du royaume belge : esprit charmant, élevé, très instruit de toutes questions politiques, sociales. et mondaines des divers pays et pour qui la Grande-Bretagne en particulier ne possédait pas de secret. Le Duc d’Aumale, depuis son arrivée en Angleterre, avait en lui un guide précieux sur cette terre d’exil, et un inépuisable interlocuteur. Car ce prince, maintenant inoccupé, tentait au moins de chercher une issue à l’activité de son esprit dans l’expansion de sa pensée, qui savait embrasser de vastes horizons, aussi bien que se livrer aux études les plus spéciales et les plus variées.
Dès ses premières rencontres chez M. Van de Weyer avec Auguste Laugel, venu voir à Londres ce proche parent, le Prince avait singulièrement goûté la conversation de l’ingénieur érudit