Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/725

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
FUSTEL DE COULANGES
ET
L’ALLEMAGNE

Les normaliens qui eurent, les premiers, — il y aura bientôt quarante-cinq ans, — l’honneur de compter parmi leurs maîtres Fustel de Coulanges, gardent, entre autres souvenirs de ce professeur éminent, l’image très présente de sa conférence d’entrée à l’Ecole de la rue d’Ulm. Je crois le voir encore, avec sa figure amaigrie, dont la gravité très marquée s’animait fort heureusement des étincelles d’un regard qui aurait paru acéré, s’il eût été moins lumineux ; une taille haute ou plutôt allongée ; une structure grêle et anguleuse ; une allure de corps hésitante et comme effacée. Le geste, si sobre qu’il fût, gardait on ne sait quoi d’indocile et de saccadé. La voix, métallique et nettement articulée, mais martelée et, on peut le dire, coupante, ne pouvait manquer d’arriver jusqu’à l’esprit des auditeurs, ni même d’y entrer profondément : il semblait qu’elle dédaignât de s’y insinuer. Les quelques paroles qu’il prononça pour nous dire son contentement sincère de venir à nous et pour nous assurer qu’il n’aurait désormais d’autre devoir ni d’autre ambition que de guider, dans la recherche exclusive du vrai, notre inexpérience et notre activité de débutans, étaient à mille lieues du convenu, du banal, du superficiel. Nous eûmes tous le même sentiment : ce professeur, qui nous arrivait de l’Université, si française, d’Alsace, ce fondateur du laboratoire ou séminaire