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sept heures, nos patrouilles signalent que Gontrode et Quadrecht sont évacués : les Allemands n’ont même pas pris le temps de ramasser leurs blessés.

C’est un soin dont se chargent pour eux les fusiliers, en allant réoccuper Gontrode, et non sans profiter de l’occasion pour faire une rafle de casques boches. La brigade, entre temps, est passée sous les ordres du général Cappers, commandant la division anglaise qui vient de débarquer à Gand où elle a été l’objet des mêmes ovations que nos marins. Les hommes, bien vêtus, solidement charpentés, donnant l’impression d’une race souple et forte, défilaient dans leurs uniformes couleur de terre, le fusil à la bretelle, en sifflant l’air fameux :

It’s a long, long way to Tipperary,
But my heart is right there.

« Il y a loin pour aller à Tipperary, il y a loin. Mais mon cœur sait où il se trouve. » On y arrive sans doute en passant par Gand, car les Tommies n’avaient jamais été plus gais. Ces belles troupes, qui marchaient au feu comme elles se fussent rendues à une partie de football ou de golf, ne faisaient pas seulement l’admiration des Gantois : nos marins eux-mêmes se sentaient pour elles une tendresse inattendue ; l’ennemi héréditaire n’était-il pas devenu le plus solide de nos alliés ? « Ce sont pour nous de véritables frères, » écrira le lendemain à sa famille un marin du Passage-Lanriec.

Renforcés par deux de leurs bataillons et les troupes belges du secteur, nous avions ordre de tenir sur nos positions précédentes dans la boucle de l’Escaut. Mais vers midi, après la visite d’un Taube, l’ennemi prononçait une si vive attaque sur Gontrode et Quadrecht qu’à la fin de la journée, il fallait recommencer la manœuvre de la veille et se replier derrière le talus du chemin de fer. Du moins son offensive venait-elle une fois de plus se briser sur le glacis de cette redoute naturelle, défendue avec un remarquable acharnement par les deux bataillons du commandant Varney. Le reste de la nuit ne fut pas troublé ; la relève des tranchées se fit normalement au petit jour, et les hommes qui le désiraient purent assister à l’office. C’était un dimanche. « J’ai été à la messe dans une petite église très jolie, écrit le marin F…, de l’île de Sein. La journée