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ramener en arrière le bataillon Jeanniot, qui a laissé 1 100 des siens sur le carreau. Ces troupes neuves, fanatisées de vengeance et par l’exemple de leurs officiers, se feront hacher plutôt que de céder le terrain. Derrière le « colonel » du 2e régiment, redevenu le commandant Varney, tout le bataillon se rue. Mais, une maison enlevée, il faut prendre d’assaut la suivante. Cependant l’attaque progresse. L’amiral, pour lui conserver son souffle, la fait soutenir par un nouveau bataillon de sa réserve (commandant de Kerros), que le bataillon Jeanniot, trop éprouvé, ira remplacer à Dixmude. Le bataillon Mauros débouche dans le même temps de Vladsloo d’où il a délogé l’ennemi avec l’aide des auto-mitrailleuses de la brigade belge[1] ; la 5e division alliée prolonge le front de combat à droite et en arrière. Et, tout de suite, on voit les effets de cette heureuse disposition tactique : l’ennemi, qui a mis en action son artillerie, tâtonne à la recherche de nos pièces défilées au Nord de Dixmude ; à cinq heures de l’après-midi, nous sommes maîtres de Beerst. Les baïonnettes peuvent se reposer : elles ont fait du « bon travail ; » dans les rues, les cours des fermes, on marche sur une litière de cadavres. Mais la nuit tombe ; l’amiral, qui s’est porté sur la ligne de feu, ordonne au commandant Varney d’organiser immédiatement les abords du village en prévision d’un retour offensif de l’ennemi. Nos hommes s’y mettent allègrement ; ils sont encore dans tout l’enivrement de leur coûteuse victoire. À peine la pioche en main, un contre-ordre : du quartier général belge, on nous commande de nous replier sur nos anciennes positions. La brigade rentre à onze heures du soir dans ses cantonnemens de Caeskerke et de Saint-Jacques-Cappelle. Derrière elle, l’horizon flambe : c’est Vladsloo que l’ennemi a réoccupé et qui dresse le « coq rouge » sur ses toits.


Charles Le Goffic.
  1. Cette opération, qui fut très brillante et valut au capitaine de frégate Mauros son inscription au tableau d’avancement, semble s’être faite d’assez bonne heure et peut-être dans la nuit même. « En arrivant à Eessen, à une heure du matin, note le fusilier R…, une compagnie, envoyée en reconnaissance au village de Vladsloo, est accueillie à coups de fusil : les Allemands n’ont pas encore abandonné ce village ; nous les délogeons, aidés par des auto-mitrailleuses belge et par l’artillerie belge. Nous réussissons à nous emparer de Vladsloo et devons faire notre jonction avec le reste du régiment à Beerst. »