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jamais sans provocation l’Allemagne ni ne se joindra à une attaque de ce genre. Une agression contre l’Allemagne ne forme ni le sujet ni une clause d’aucun traité, entente ou arrangement, dont la Grande-Bretagne est partie contractante et elle ne prendra part à aucun acte diplomatique ayant un pareil objet. » Cette déclaration ne parut pas suffisante aux hommes d’Etat allemands, poursuivit M. Asquith, Ils voulaient de nous davantage. Ils nous demandèrent de promettre de rester neutres, dans le cas où l’Allemagne serait engagée dans une guerre, et cela, figurez-vous, à une époque où elle augmentait énormément ses moyens agressifs et défensifs, particulièrement sur mer. Ils nous demandèrent de déclarer très clairement qu’en ce qui nous concernait, nous leur laisserions les mains libres pour soumettre, pour dominer le continent européen. A pareille demande une seule réponse était possible, et c’est celle que nous avons faite. »

Les brutales prétentions de sa diplomatie firent perdre ainsi à Guillaume II une occasion favorable de dissiper les défiances du Cabinet de Londres et de renouer avec l’Angleterre des relations plus cordiales. Malgré cet échec, il ne se découragea pas, et, deux ans après, il se croyait de nouveau parfaitement sûr de la neutralité britannique. Cette fois encore, les apparences le trompèrent. Il avait trop escompté le savoir-faire de son nouvel ambassadeur, le prince Lichnowski, bien vu de la haute société londonienne, ainsi que l’influence des amis qu’avait l’Allemagne au sein même du Cabinet Asquith, les Haldane, les Burns, les Harcourt. Le langage des organes germanophiles de la presse anglaise a contribué aussi à le tromper sur les vrais sentimens du peuple anglais à l’égard de son principal concurrent maritime et commercial. La presse berlinoise citait volontiers les articles du Daily News, de la Westminster Gazette, du Daily Graphic, de la Nation et du Manchester Guardian, très favorables à une entente avec l’Allemagne ; mais ces journaux, que l’ambassade impériale fournissait d’informations « made in Germany, » n’étaient pas, comme l’Empereur le pensait, les véritables voix de l’Angleterre.

Il raillait volontiers les Français, dans ses conversations avec des étrangers, de croire à la réalité de la Triple-Entente et de leurs vaines tentatives pour la transformer en une alliance effective. Le voyage à Paris du roi George et de la reine Mary