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désarmemens modernes pour ou contre la science, c’est un peu comme si on déclarait que le sabre de M. Prudhomme fut l’ennemi de la Constitution. C’était vrai quand il servait à la combattre, faux quand il la défendait.

La vérité, c’est qu’il est puéril et, en ce moment, malfaisant de ranimer de vieilles polémiques d’amphithéâtre pendant que les soldats se battent. La science n’est ni morale, ni immorale ; on l’a démontré cent fois, et nul ne l’a fait mieux que Henri Poincaré, avec son lumineux génie ; elle ne l’est ni plus, ni moins que la musique par exemple. La morale ne repose pas sur des systèmes ; et la preuve, c’est qu’il y a en ce moment beaucoup de systèmes et qu’il n’y a que très peu de morale.

Laissons à ceux qui se battent la paix du cœur, à défaut de l’autre. Que celui qui porte dans son âme un idéal religieux, que celui qui porte l’amour ardent de la science, que celui plus heureux qu’illumine l’une et l’autre de ces torches intérieures, que chacun d’eux puisse croire, sans l’angoisse du doute, qu’en se battant pour la France, il se bat aussi pour l’étoile idéale qui guide ses pensées. Cela sera vrai pour tous, quelles que soient leurs conceptions diverses, si cette guerre fait fleurir entre les Français cette chose divine que l’insolente Allemagne prétend supprimer parmi les nations : l’harmonie des contrastes, la tolérance, la liberté de n’être point cristallisés tous dans les mêmes formes.


CHARLES NORDMANN,

au *** régiment d’artillerie de campagne.