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retour de la nuit. Mais que fera-t-on des prisonniers ? La majorité opine pour leur exécution. Les médecins belges protestent. Très calme, le commandant Jeanniot, qui se désintéresse du débat, cause avec le quartier-maître Bonnet. Sur un signe de leur chef, les Boches mettent genou à terre et font feu sur les prisonniers : le commandant tombe et, comme il respire encore, on l’achève à coups de baïonnette. Il ne reste de vivant que les médecins belges, volontairement épargnés, et le quartier-maître Bonnet, qui n’a été touché qu’à l’épaule. C’est à ce moment que la bande fut aperçue. Une section chargeait aussitôt sur elle ; une autre se portait en arrière pour lui couper la retraite… Que se passa-t-il ensuite ? D’aucuns prétendent que les officiers allemands surent ce qu’il en coûtait d’assassiner des prisonniers et que nos hommes éventrèrent ces chiens séance tenante ; mais la vérité est que, malgré la bonne envie qu’on avait de venger le commandant Jeanniot, on cueillit toute la bande sans lui faire de mal et qu’on l’emmena à l’amiral qui fit exécuter seulement trois des coquins les plus compromis. »


X. — DANS LES TRANCHÉES

Ainsi se termina ce dramatique épisode dont les origines ni les suites n’ont pas encore été bien élucidées. La troupe allemande, qui avait couru la ville pendant la nuit et dont une partie seulement avait pu gagner les prairies avec les prisonniers, comprenait-elle un bataillon ou un demi-bataillon ? Le feu ouvert par le capitaine de frégate Marcotte de Sainte-Marie avait couché pas mal d’ennemis à terre. « On marchait sur leurs cadavres dans la ville, » écrit le fusilier H. G… Et, le lendemain, nous débusquâmes des caves où ils se terraient un assez joli lot d’assaillans. Mais le plus grand nombre, servis par des complicités mystérieuses, parvinrent certainement à nous échapper.

En tout cas, l’alerte avait été chaude, et elle nous avait montré combien était nécessaire le renforcement immédiat de nos positions. L’amiral en rendit compte au quartier général, qui lui envoya de Loo deux bataillons de Sénégalais. Le bombardement avait repris dans l’intervalle. Il devint particulièrement intense entre onze heures et trois heures, visant de préférence les ponts de Dixmude et les tranchées du cimetière. Nous