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supérieures, marquait un sensible recul jusqu’à Ramscappelle et Pervyse. L’importance stratégique de ces deux villages exigeait qu’on les reprît immédiatement. Tous les élémens disponibles de la brigade y furent envoyés dans la soirée du 29. Cela n’empêchait pas l’ennemi de continuer son bombardement de Dixmude, auquel répondirent avec efficacité cette fois les « grosses basses » de notre artillerie lourde. Nous y gagnâmes d’avoir une nuit à peu près tranquille. On les comptait, ces nuits-là, dans la brigade. « Nous ne savons plus ce que c’est que dormir, écrit un marin. Voilà dix jours qu’on n’a pas fermé l’œil. » L’ennemi, peut-être, était aussi las que nos hommes : quelques poignées de shrapnells sur Caeskerke et le carrefour où l’amiral avait installé son poste de commandement furent la seule manifestation de son activité nocturne. Peut-être aussi, dans cette phase des opérations, Dixmude l’intéressait-elle beaucoup moins que Ramscappelle et Pervyse. Il se jetait au petit jour dans Ramscappelle, mais il échouait sur Pervyse, défendue avec leur énergie habituelle par les deux compagnies du bataillon Rabot. Ramscappelle était d’ailleurs reprise le lendemain. Mais, la veille, une « marmite » avait démoli, à Dixmude même, le pont du chemin de fer.

Aux brefs relâches de cette lutte épuisante, les yeux des défenseurs interrogeaient le schoore de l’Yser. Qu’elle était lente à se tendre, cette inondation annoncée par le quartier général belge dans la soirée du 25 octobre et qui, depuis cinq jours, ne faisait que des progrès insensibles ! Pourtant, là-bas, sur la grande plaine unie, il semblait qu’on la vit avancer : les watergands débordaient ; l’eau rapprochait ses mailles ; sa résille se resserrait autour des villages et des fermes. À la hauteur de Ramscappelle et de Pervyse, elle formait déjà une grande nappe d’un seul tenant.

Ce fut ce jour-là, « au Nord à nous, » qu’on put constater les premiers effets tactiques de l’inondation. Ramscappelle avait été splendidement enlevée à la baïonnette par la 42e division, l’ennemi rejeté derrière le talus de la voie Dixmude-Nieuport, d’où il se repliait presque aussitôt sur l’Yser : autant que devant nos troupes, il reculait devant la sournoise montée des eaux. Le plan du grand état-major allemand était déjoué : il n’avait compté, pour atteindre Dunkerque, ni sur l’intervention de la flotte anglo-française, qui l’empêchait de longer par les dunes