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l’époque de la première Renaissance qu’elles le devinrent après le concile de Trente : on pouvait se mouvoir dans l’orthodoxie.

La Réformation italienne surtout se distingue par une subtilité de nuances et une souplesse de procédés qui ont mis en grande peine plus d’un historien, trop occupé d’établir des catégories bien définies et des distinctions bien nettes ; on s’est répandu en discussions vaines pour décider si tel ou tel personnage a été véritablement hérétique ou catholique ; la finesse et le bon sens italiens ne comportent guère ces décisions tranchées ; le respect que chacun professait pour les anciennes traditions, la notion qu’on avait, grâce à une longue expérience, qu’il est inutile et maladroit de renverser de fond en comble de vénérables institutions, un certain amour-propre national, faisaient qu’on n’était point porté aux solutions brutales ; on songeait beaucoup moins à opérer une « Réforme de l’Eglise catholique » qu’une « Réforme catholique de l’Eglise, » suivant la formule que les jésuites firent prévaloir. On savait concilier ce qui nous paraît inconciliable.

C’était d’ailleurs une bien vieille habitude en Italie, chez les partisans les plus décidés du Saint-Siège, que d’en dénoncer avec éclat les vices et d’en réclamer la réforme. Les invectives des protestans du XVIe siècle durent paraître singulièrement modérées dans le fond et dans la forme au regard de celles d’un saint Bernard, d’une Catherine de Sienne, d’un Pétrarque ; elles étaient sans doute plus dangereuses, mais singulièrement moins vigoureuses : Plus tard, le cardinal Giuliano Cesarini, ainsi que le rappelle Bossuet au commencement de son livre sur les Variations des Eglises protestantes, représentait en termes d’une hardiesse qui ne fut pas dépassée les dangers que la dépravation du clergé faisait courir à la papauté. On ne s’étonna et l’on ne se scandalisa donc pas en Italie quand on vit nombre de personnes et des plus qualifiées proclamer que l’Église se perdait par ses vices, qu’il fallait la réformer « dans son chef et dans ses membres. » C’était le sentiment commun.

Certes, les abus dont on se plaignait et auxquels le protestantisme pensait apporter un remède étaient plus sensibles en Italie que partout ailleurs. Savonarole les avait dépeints avec fougue, mais non sans vérité ; « Les cloches sonnent toutes par