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BIZERTE
ARSENAL MARITIME ET PORT MARCHAND

La ville arabe de Bizerte étale ses blanches maisonnettes sous les murailles noires du fort d’Espagne. Ses anciens habitans, pêcheurs par métier, pirates à l’occasion, armaient précipitamment les boutres, aussitôt que la « mer d’huile » immobilisait un navire en vue de la côte. Les Bizertins prenaient-ils à l’abordage un brick chargé d’armes de Damas, de tapis de Smyrne ou de velours de Gênes ? Vite, ils remorquaient leur prise dans le port, loin des regards indiscrets, pour la « cambrioler » à loisir.

Le coup d’éventail du dey d’Alger déchaînant la vengeance française contre les pirates barbaresques, troubla l’exercice de cette industrie. De rapides frégates, en surveillance sur la côte, entravèrent les opérations et ces écumeurs de la mer s’adonnèrent à la pêche dans le lac intérieur, abandonnant aux forces naturelles le petit havre désormais inutile.

L’expédition d’Alger mit l’Afrique à la mode. Des touristes, en quête de pittoresque et d’inédit, fouillèrent les îles et les anses. Bizerte attira leur attention, comme, cinquante ans plus tard, elle captiva celle de l’opiniâtre artisan qui forgea notre empire colonial : « J’ai pris la Tunisie pour avoir Bizerte, » avouait Jules Ferry.

Tout désignait ce point comme le futur arsenal maritime de la Régence : sa position avancée au Nord du bloc tunisien ; sa