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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/441

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lentement, par à-coups. De 1902 à 1905, leur courbe sinueuse tendit même vers zéro. Les amiraux successifs dirigeaient pourtant les opérations avec un zèle inquiet qui témoignait de leur sollicitude : leur impuissance résultait du manque de crédits. La même tactique se perpétue.

On marchande les sommes indispensables à l’achèvement de l’œuvre. Le distingué rapporteur du budget de 1912 a déclaré que le développement de Sidi-Abdallah devait se faire « sur les arsenaux métropolitains. » C’est dire qu’il faut compenser les dépenses de Bizerte par des réductions sur les dépenses du même ordre en France, et que, si l’on ne réduit pas en France, on ne fera rien à Sidi-Abdallah : « Nous n’avons pas besoin de six arsenaux, écrivait M. Painlevé. Si les nécessités exigent le développement de Bizerte, elles n’obligent pas à conserver cinq arsenaux dans la métropole. » C’est-à-dire, sans doute, cinq arsenaux de plein exercice. Situation fâcheuse ; car Sidi-Abdallah, qui emploie un millier d’ouvriers, laisse encore beaucoup à désirer. En 1909, il lui a fallu huit mois pour radouber les chaudières du Forbin. Souvent, pour des opérations d’une certaine importance, l’arsenal fournir l’outillage et les matières, les navires la main-d’œuvre. Le ravitaillement en charbon y est trop lent, faute de chalands. Pour aller vite, il faudrait, comme en guerre, réquisitionner des petits bâtimens de charges qu’on appelle des « mahonnes. » S’il est facile d’améliorer ou de compléter le matériel, il n’en est pas de même du personnel, qui reste le point noir. Jusqu’ici, la Marine a vainement tenté de peupler l’arsenal du nombre indispensable d’ouvriers sédentaires : fondeurs, ajusteurs, ouvriers en fer, pour le service des éclusiers, ateliers ; ouvriers d’artillerie, pour les poudres et projectiles ; mécaniciens, pour l’utilisation des bassins de radoub.

Le ministre détacha d’abord à Sidi-Abdallah des ouvriers des ports métropolitains, choisis, bien entendu, parmi ceux de bonne volonté. Car on ne déplace pas un ouvrier d’arsenal comme un simple préfet ou un président de cour, sans lui demander son consentement. Mais on s’aperçut vite que ces nouveaux venus, qui avaient les habitudes des ports de la métropole, prendraient difficilement celles qui convenaient dans un port à créer, et on les renvoya en France.

Aux termes d’un décret du 27 décembre 1907, les ouvriers des arsenaux accomplissent désormais à Bizerte leurs deux