Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en péril les territoires nouvellement acquis. Pour ce qui est de l’occasion perdue, le mal est irréparable. Reviendrais-je aux affaires que je ne pourrais pas moi-même le réparer. Notre parti ne soutiendra aucun gouvernement. Le ministère qui nous succédera ne convoquera pas la Chambre. » S’il le faisait, il serait en effet mis aussitôt en minorité, car la majorité appartient à M. Venizelos. Le Roi a demandé à celui-ci de soutenir son successeur : M. Venizelos s’y est refusé. Il désapprouve trop fortement une politique qu’il a qualifiée de désastreuse, pour pouvoir s’y associer de quelque manière que ce soit. Convoquer la Chambre obligerait à faire tout de suite de nouvelles élections, ce qui serait un danger de plus et un danger redoutable. Nous ne savons si, comme l’a dit M. Venizelos, le mal qui a été fait est irréparable, mais il faudra un bien plus grand effort pour le réparer qu’il n’en aurait fallu pour le prévenir.

Nous le répétons, l’incident grec ne peut avoir aucune influence sur les opérations des Alliés dans les Dardanelles et bientôt dans la mer de Marmara. La participation hellénique aurait pu faire naître des questions qu’il vaut peut-être mieux ajourner. Elle aurait eu un effet moral que nous aurions hautement apprécié ; son effet matériel sur l’expédition elle-même aurait été de mince importance. Gardons nos regards fixés sur les détroits : c’est là que se joue la vraie partie, et les Alliés ont tous les moyens de la gagner.


Celle qui se joue dans la Manche et dans la mer du Nord n’a pas un moindre intérêt, mais on est un peu embarrassé pour en parler, car elle fait peu de bruit. Faut-il l’avouer ? nous en sommes surpris. Nous ne nous attendions pas à cela ; nous étions convaincu qu’après le 28 février il arriverait quelque chose, non pas sans doute de très important, mais qui serait tout de même très appréciable. Les Allemands ayant fait avec leurs sous-marins tout ce qu’ils étaient capables de faire avant le 28 février, ne pourraient pas faire beaucoup plus après, mais il semble vraiment qu’ils font moins encore. On se rappelle les menaces bruyantes qu’ils avaient notifiées à toutes les nations neutres. Il leur était défendu de faire passer leurs navires de commerce dans les mers qui enveloppent l’Angleterre et jusqu’à une longue distance des côtes. Une vaste étendue de mers était complètement interdite, et cette interdiction, s’il n’en était pas tenu compte, risquait d’avoir les pires conséquences pour les navires neutres : si un sous-marin allemand les rencontrait, ils étaient exposés à être torpillés et coulés sans autre avertissement. Le but avoué était d’affamer