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leur situation actuelle que, si leurs droits continuent à être méconnus, on s’y intéresse beaucoup, on en apprécie la valeur. Mais le silence de l’histoire ou plutôt, pour ne rien exagérer, la disproportion entre la place quelle leur fait et leur importance réelle, ne diminue pas celle-ci. Population sujette et servile, ils ont eu dans la mémoire des hommes le sort de toutes les classes inférieures qui ont attendu longtemps et n’ont obtenu qu’à force de le mériter l’honneur de figurer sur la scène historique. N’en a-t-il pas été de même dans notre pays, sauf que, la distinction des races s’y étant bien vite effacée, la hiérarchie sociale n’ayant plus connu que les classes, et ces classes ayant été émancipées plus tôt, les couches plus lourdes ont pu assez vite, en dépit de la statique, monter à la surface. Félicitons-nous de la bonne fortune qui a permis, par une sélection naturelle, l’afflux des couches profondes d’une population dont l’ascension n’a jamais eu à triompher de l’antagonisme de races ; mais gardons-nous de méconnaître, comme l’a fait l’impolitique dédain de la race conquérante, l’influence obscure, mais considérable, qu’il faut attribuer dans les destinées de la Transylvanie à l’humble population d’agriculteurs et de pasteurs numériquement supérieure, dont on pourrait croire qu’elle n’a été que spectatrice et victime des événement que nous avons à raconter.


Après avoir conquis Belgrade et Rhodes, Soliman le Grand avait porté son ambition sur la Hongrie. La bataille de Mohacz (1526) la lui livra. Le roi de Hongrie Louis II y périt. Il ne laissait pas d’héritier. Les États du royaume élurent pour roi Jean Szapolya, woïvode de Transylvanie. L’illustration de sa famille, ses services personnels l’avaient désigné aux suffrages de la Diète, où résidait principalement le pouvoir constituant dans la monarchie aristocratique sous laquelle vivaient les fils d’Arpad depuis que leurs migrations avaient cessé. Une pareille constitution est inséparable de factions intestines, et il est presque aussi inévitable que certaines de ces factions pactisent avec l’étranger.

Le chef de l’une d’elles, Étienne Batory, ne se résignant pas à voir sur la tête d’un rival la couronne qu’il avait ambitionnée, appuya les prétentions de l’empereur Ferdinand Ier et de sa sœur Marie, veuve de Louis II. La Diète de Presbourg