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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/584

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Le cadre historique eu nous avons dû nous contenter d’inscrire les principaux événemens « l’une guerre de huit ans, dernier effort de la liberté mourante de la Transylvanie, ne saurait donner l’idée du tableau qu’en a tracé celui qui en fut le héros. C’est dans son histoire des Révolutions de Hongrie, c’est dans ses Mémoires, et ce n’est que là qu’on trouvera le mouvement qui fait revivre sous la plume du protagoniste les scènes guerrières, les délibérations tumultuaires où se montre en action l’organisation sociale d’un pays qui pourrait être considéré, si la Pologne n’existait pas, comme la patrie d’élection de l’anarchie. Lui-même doit à ces écrits de personnifier aux yeux de la postérité la lutte pour l’indépendance, d’avoir un peu fait tort par l’entrain et le succès de ses récits à la renommée de son bisaïeul Georges Ier, qui fut cependant plus grand que lui. Sur les circonstances qui ont empêché son alliance avec la France, ses intelligences avec la Russie de sauver l’autonomie transylvaine, il s’est montré rése²vé. A la fin de ses Mémoires, s’il explique par les revers des Moscovites que le salut n’ait pu venir de leur côté, il se refuse à chercher les causes des mécomptes qu’il a éprouvés dans ses rapports avec la France, et il se borne à rendre hommage au roi « éclairé, de glorieuse mémoire, » qui n’a pas fait tout ce qu’il espérait. Réserve dont il faut faire honneur sans doute à son équité, mais à laquelle ont contribué peut-être aussi le prestige du grand roi et le souvenir de l’accueil qu’il avait trouvé auprès de lui et de la société française. Cet accueil lui était dû, car son intervention avait empêché l’Autriche de concentrer toutes ses forces sur le Rhin et de nous reprendre l’Alsace ; mais dans le public la curiosité pour une célébrité exotique n’y eut pas moins de part que le sentiment du service rendu. A cet engouement banal se joignirent pour lui la distinction avec laquelle il fut traité par le Roi et les faveurs qu’il en obtint, les sympathies de personnages tels que la Duchesse d’Orléans, le Comte de Toulouse, le Duc du Maine. Comme toujours, quand ses partis pris ne sont pas en jeu, c’est à Saint-Simon qu’il faut demander l’impression morale et physique produite par ce réfugié si dépaysé à Versailles qu’on devrait lui passer plus d’une dissonance. Le portrait que Saint-Simon nous a laissé nous montre, au contraire, un homme qui ne se fait remarquer dans un milieu nouveau pour lui que par sa noblesse, un homme simple