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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/596

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C’est ainsi que, les jurés allemands d’Hermanstadt ayant acquitte des prévenus roumains pour délits de presse, le cercle judiciaire de cette ville fut annexé en 1884 au cercle de Kolozvar, dans un milieu magyare où se recrutèrent dès lors les jurés.

A ceux qui n’ont, pour faire entendre leurs griefs, ni la voix de la tribune ni celle de la presse, il reste le droit de pétition. Mais le Roi respecte trop scrupuleusement le marché qui a livré aux Magyars les États de la couronne de Saint-Etienne pour accueillir cette voie de recours. Au moment du compromis, François-Joseph avait renoncé à insister sur les ménagemens dus aux droits historiques de la Transylvanie. En 1892, il ne reçut même pas les délégués du congrès national roumain d’Hermanstadt qui lui apportaient un mémorandum des iniquités dont ils demandaient la réparation et des garanties qu’ils stipulaient pour l’avenir.

Les libertés publiques n’ont de prix que parce qu’elles sauvegardent celles qui sont précieuses en elles-mêmes, les libertés privées, primordiales qui intéressent l’individu et la famille. Ce sont ces dernières qu’il faut atteindre, si l’on veut déraciner l’âme d’un peuple, lui faire produire de nouveaux fruits. Il est vrai que les procédés exigés par cette opération révoltent plus que les attentats contre la liberté de parler et d’écrire. Les Magyars ne pouvaient reculer devant ce qu’elles ont de particulièrement odieux. Ici comme ailleurs, c’est par l’école que cette œuvre de dénationalisation essaie de s’accomplir. La loi scolaire à laquelle est attaché le nom d’Apponyi (1907) impose l’enseignement exclusif du hongrois. Cet enseignement commence dès les salles d’asile (Kisdedov), où les familles sont obligées d’envoyer les enfans dès l’âge de trois ans quand elles ne peuvent établir qu’elles exercent sur eux une surveillance suffisante. L’enseignement libre est tellement paralysé que, sur les cent quatre-vingts établissemens d’instruction secondaire de la Transylvanie et du Banat, il n’y en a que six qui soient roumains. L’arbitraire des inspecteurs scolaires leur rend la vie difficile. L’une de ces écoles a eu une grande influence sur la renaissance du roumanisme, c’est celle de Blache dont nous avons déjà parlé. Plus qu’une autre elle devait souffrir de la malveillance de l’administration. Elle a été menacée d’être fermée ou transformée en école d’État, si certaines améliorations matérielles évaluées à 200 000 francs n’y étaient pas exécutées