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qu’avec discrétion et après réflexion. Sur les images diverses qu’ils nous présentent, nous choisirons les lignes bien arrêtées, et qui, pareilles dans toutes, se rapprochant et se rapportant, se superposant, affirment le type et constituent la physionomie. Le point de perspective, celui d’où elle se dégage le plus exactement, est sans doute la postérité commençante, assez voisine pour ne rien perdre, assez éloignée pour ne rien préférer, et dont l’impartialité est faite d’indifférence, surtout lorsque, regardant du dehors, elle joint au recul du temps le recul de l’espace. L’esquisse de Macaulay peut par conséquent nous fournir « le dessous. » Des témoignages plus directs, dûment pesés et contrôlés, aideront, au fur et à mesure que le dessin apparaîtra, à y ajouter quelques touches.

Si Frédéric le Grand est le sommet, le faite où s’élance l’arbre généalogique dont le tronc portait déjà un premier Frédéric II de Brandebourg, un vieux Frédéric II du XVe siècle, dit Dent de Fer, Albert l’Achille, Jean le Cicéron, et Joachim le Nestor, moralement et intellectuellement, il s’insère à sa place dans la série : en lui s’épanouit la race, après son père le roi-sergent, après son grand-père Frédéric Ier, premier roi de Prusse, après son arrière-grand-père, le Grand Electeur. Par ses dons et par ses lacunes, par ses qualités et par ses défauts, il est le fils et le petit-fils de leur sang et de leur esprit. « Le fond du caractère était le même chez tous deux (Frédéric-Guillaume Ier et Frédéric II). Ils avaient en commun l’amour de l’ordre, l’amour du travail, les goûts militaires, la parcimonie, l’esprit impérieux, l’humeur irritable jusqu’à la férocité, le goût de peiner et d’humilier les autres. » (Macaulay.)

Un volume de poche, — presque un almanach, — intitulé Frédéric le Grand, contenant des anecdotes précieuses sur la Vie du roi de Prusse régnant, d’autres sur ses amis et ennemis, ainsi que les portraits de la famille de Sa Majesté ; A Amsterdam, chez les héritiers de Michel Rey, 1785, n’est pas du tout à négliger, quoique frappé néanmoins de quelque suspicion, du fait qu’il annonce : « Cet ouvrage peut faire suite aux mémoires sur la vie de Voltaire écrits par lui-même. » Il y a là dedans à prendre et à laisser, mais il n’est ni difficile d’y reconnaître ce qui n’est que du pamphlet, ni impossible de ne garder que le reste. On lit dans la première pièce et dès la première page de ce petit recueil : « Frédéric II règne depuis un demi-siècle.