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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/820

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Florence, et encore en Suisse. Pietro Dolce, un spia encore, écrit au comte Hartig : « La princesse est une petite folle, una pazzarella, qui serait mieux chez elle à Milan que toujours en voyage à l’étranger[1], » et il trouve « qu’elle se compromet, et qu’elle compromet aussi les autres. »

A Gênes, elle connut le plus terrible de ces espions. C’était un personnage très séduisant, un Espagnol qui se nommait de son vrai nom Doria. Il avait réussi à faire partie des sociétés secrètes, et à gagner la confiance de Mazzini qui recommandait ce « frère » à ses amis. Le « frère » en profitait pour les dénoncer aux agens de l’Autriche. Il commença par dénoncer sa propre famille, ensuite un très grand nombre de personnes dont il était devenu l’ami. Parmi ces personnes était notre princesse qui le recevait chez elle ; il prétendit même en avoir obtenu quelques faveurs, mais rien n’est moins sûr que son propre témoignage. De tous ces traîtres la princesse n’a cure ; son hostilité au régime autrichien n’est un mystère pour personne, elle est membre de la Carbonaria, Giardiniera, et grande maîtresse de l’Ordre. En outre, les théories de Mazzini l’enchantent, car il vient de fonder la Giovine Italia. Malgré une surveillance étroite, elle poursuit ses intrigues, fait du prosélytisme avec ardeur, voyage, trompe l’attention de ses sbires, et trouve toujours le moyen, lorsqu’on la croit en faute, de brandir de magnifiques autorisations autrichiennes, revêtues de toutes les signatures légales. Au grand dépit des fonctionnaires de Metternich.

Pourtant, au printemps de 1831, elle est signalée comme dangereuse : on trouve à Vienne qu’elle s’agite trop. Le comte Hartig, gouverneur de la province lombardo-vénitienne, veut lui faire réintégrer la Lombardie. On ne sait comment, la princesse s’est procuré un passeport pour la France. Le gouverneur envoie à sa poursuite ; à Gênes même, sa maison est cernée ; mais au moment où la police croit la tenir, elle s’enfuit par une sortie dérobée donnant sur le port, et s’embarque pour Marseille. Puis, comme elle refuse d’obéir aux injonctions de Metternich, qui la menace, si elle ne revient pas à Milan, de déclarer sa mort civile et de confisquer ses biens, ses biens sont confisqués, sa mort civile déclarée. La voici à Paris et pauvre.

  1. Lettre du 21 octobre 1830. Citée par Barbiera, La principessa Belgiojoso.