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le recrutement des services publics, d’abord à des majorations de traitement attribuées à ceux qui ont de nombreux enfans (comme la Chambre l’y a d’ailleurs invité par une résolution du 28 mars 1911), puis à l’attribution de pensions aux orphelins mineurs ; nous sommes certain qu’il atteindrait tout aussi bien ainsi le but poursuivi, qui est de trouver un nombre suffisant de bons agens.


Il ne suffit pas, pour provoquer l’accroissement de la population, de s’efforcer de renverser le courant d’opinion qui fait envisager la naissance de nombreux enfans comme un malheur, et presque comme une faute des parens ; il faut encore éviter que les générations futures soient frappées de tares entraînant une mort, ou des infirmités précoces. Or, deux causes attaquent la race, à ce point de vue, avec une effrayante progression : l’alcoolisme et la syphilis. Contre ces fléaux, l’action de la puissance publique peut être très efficace ; elle peut l’être plus encore contre un crime, l’avortement, qui, de plus en plus souvent, empêche des naissances, estropie ou tue des filles et des femmes mariées.

La plaie dont la progression a été le plus rapide, dans les dernières années du XIXe siècle, est l’alcoolisme. M. Raphaël-Georges Lévy en a déjà signalé les ravages, dans le remarquable article publié par la Revue le 15 janvier. Qu’il nous soit permis d’y revenir ici, au point de vue de la population. La consommation taxée d’alcool pur, par tête d’habitant, qui était d’un litre sous la Restauration et de deux litres et demi à la fin du second Empire, s’élevait à quatre litres et demi de 1898 à 1901. Elle était redescendue à trois litres et demi de 1901 à 1910, sous l’influence de la reconstitution du vignoble et des mesures fiscales encourageant la substitution des boissons dites hygiéniques, vin, cidre et bière, à l’alcool. Elle est remontée à quatre litres, en moyenne, en 1911 et 1912.

Quatre litres d’alcool par tête, cela représente à peu près 350 petits verres d’eau-de-vie aux environs de 50 degrés. Si l’on admet que, dans près des deux tiers de la population, femmes, jeunes gens au-dessous de quinze ans, vieillards de plus de soixante-dix ans, la consommation de l’alcool est encore heureusement très peu développée, on arrive, pour les hommes, à