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si celle-ci restait, en fait, exempte de droits, Pour que la taxe majorée soit perceptible, il faut qu’elle soit appliquée à toute la production ; il le faut, surtout, pour que l’empoisonnement de la moitié de nos populations rurales cesse, pour que les enfans ne contractent plus dans leur famille l’habitude de boire de l’eau-de-vie. La suppression du privilège des bouilleurs de cru sera certes difficile à faire accepter. Elle a été tentée à diverses reprises, dans l’intérêt du fisc ; mais aucune assemblée n’a eu le courage de résister aux demandes tendant à supprimer toute surveillance effective sur leurs opérations, à l’approche des élections. C’est pour faire accepter cette surveillance qu’un appel à l’élan général du patriotisme suscité par la guerre, à la nécessité supérieure d’éliminer tout ce qui décime la population, sera nécessaire.

Il semble d’ailleurs que la seule manière de rendre le contrôle acceptable soit de ne pas le faire exercer au domicile de chaque bouilleur : l’exercice, pratiqué chez un million de cultivateurs, produit des froissemens qui exaspéreraient même les particuliers disposés à accepter l’impôt. La loi de finances du 22 avril 1905 avait organisé un système de distillation en commun, qui a subsisté dans quelques départemens ; c’est ce système qu’il faut généraliser. L’interdiction de distiller à domicile, sauf dans des conditions spéciales, serait sans doute plus facilement supportée que l’exercice appliqué à tous les bouilleurs ; avec des pénalités suffisantes pour que nul ne s’expose volontiers à les subir, on peut réprimer la distillation clandestine, qu’il est très difficile de tenir partout secrète.

En même temps qu’on renchérirait l’alcool par l’impôt de consommation accru, il faudrait en réduire l’offre, rendre la tentation moins constante, par la diminution du nombre des cabarets. Celle-ci peut être réalisée sans expropriation et sans mesures arbitraires de police, si l’on a le courage d’accroître suffisamment l’impôt spécial qui les frappe, la licence. La dernière loi de finances, en exonérant de cette licence tous les débits qui ne vendent que des boissons hygiéniques, en assimilant à la vente en fraude la détention d’alcool par les débitans qui ont déclaré n’en point vendre, a préparé la voie à un relèvement considérable. Il suffirait d’admettre que la taxe majorée ne s’applique qu’en partie aux restaurans vendant de l’alcool uniquement avec des repas véritables, pour que la