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personne de sa famille : « L’emporté de Berlin a donné toutes les garanties pour le maintien de la paix. »

A Londres, lord Derby avait également rassuré le représentant de la France en lui affirmant que, grâce à la Russie et à l’Angleterre, tout danger de conflit était maintenant écarté. Comme ce diplomate le remerciait de ses bons offices, il avait répondu :

— Nous avons été heureux de faire quelque chose pour la France.

Ce que l’Angleterre avait fait, on en parlait déjà dans le monde diplomatique, mais sans connaître encore les détails de son intervention. On les connut avec précision le 24 mai. Ce jour-là, à la Chambre des Communes, le premier ministre Disraeli, interpellé sur le point de savoir s’il était vrai que le gouvernement anglais eût adressé des observations à l’Allemagne et à la France, s’était fait un devoir de révéler que le Cabinet « avait conseillé à la Reine d’adresser des représentations à l’empereur d’Allemagne. » Il ne crut pas devoir répondre en ce qui touchait la France. Son silence était significatif et voulait dire que la France, n’ayant pas cessé de garder l’attitude la plus correcte, ne méritait pas qu’on lui fit des représentations. À cette date, l’empereur Guillaume était, depuis trois semaines, en possession d’une lettre de la reine Victoria le suppliant « de ne pas laisser troubler la paix de l’Europe, cette paix qu’assurément il ne voulait pas compromettre, mais qu’autour de lui, et à son insu, on essayait d’empêcher. »

Il est juste de compléter ces détails en rappelant que le prince impérial d’Allemagne, le futur Frédéric III, sa mère l’impératrice Augusta et sa femme la princesse Victoria n’étaient pas étrangers à cet heureux dénouement d’une situation qui eût mis l’Europe en feu, si elle se fût prolongée. Lorsque l’Empereur avait appris qu’il s’était trouvé si près de la guerre, alors qu’il ne la voulait pas, de puissans efforts avaient été faits par sa famille la plus proche pour couper court aux projets du chancelier. Celui-ci, qui reprochait déjà à la vieille Impératrice et à ses enfans de contrarier fréquemment ses plans, ne devait jamais oublier leur intervention en cette circonstance, et tout porte à croire que le ressentiment qu’on le vit ensuite manifester quand il parlait d’eux avait trouvé un aliment dans les faits que nous rappelons.