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lorsque, après la guerre des pays balkaniques ligués contre la Porte, la Bulgarie s’est subitement détachée de ses alliés de la veille et s’est tournée contre eux les armes à la main. C’était de la grande politique ; elle l’a cru du moins, mais il aurait fallu être le plus fort, et elle ne l’a pas été. Le traité de Bucarest lui a très légitimement enlevé une partie de ses conquêtes, pour les attribuer à la Serbie et à la Grèce victorieuses. Depuis lors, les circonstances sont devenues plus favorables à la Bulgarie qu’elle n’était en droit de l’espérer. L’immense ébranlement dont toute l’Europe est secouée a posé à nouveau dans les Balkans un certain nombre de questions qui semblaient closes pour assez longtemps, et la Bulgarie a pu marchander sa neutralité. Y restera-t-elle cantonnée ? En sortira-t-elle et dans quel sens ? Tout le monde se l’est demandé et elle se l’est sans doute demandé à elle-même, sans que la question ait été jusqu’ici résolue. En attendant qu’elle le soit, la Bulgarie juge habile de négocier avec les deux parties à la fois et d’attendre. Qu’il y ait eu des négociations, on n’en saurait douter ; le fait résulte avec évidence des déclarations de M. Venizelos dont nous parlerons dans un moment et, au surplus, nous n’en douterions pas, même si nous n’en avions aucune preuve. Quand les choses prennent un certain degré de vraisemblance, on peut les tenir pour vraies. On a donc négocié. Tout d’un coup, qu’est-il arrivé ? Nous l’ignorons ; bien des détails nous échappent et ne seront connus que plus tard. Peut-être les espérances que la Bulgarie avait pu concevoir ont-elles été déçues, ou du moins ajournées. Quoi qu’il en soit, une agitation subite s’est produite et, un matin, l’Europe, qui ne s’y attendait guère, a appris que des bandes de comitadjis s’étaient formées dans la partie de la Macédoine restée bulgare. Deux mille hommes avaient franchi la frontière serbe au point précis où y pénètre le chemin de fer qui va de Salonique à Nich, et il en était résulté un combat meurtrier, à la suite duquel les assaillans avaient été repoussés. Ce n’est pas la première fois qu’un pareil acte s’est accompli au même endroit. Les Bulgares ont déjà essayé d’interrompre la communication de la Serbie avec Salonique. Le sentiment général est qu’ils ont de nouveau tenté le même coup, sans y avoir d’ailleurs mieux réussi. Il y a lieu de remarquer qu’en même temps qu’elle se produisait contre la Serbie, une tentative du même genre avait lieu contre la Grèce, quoique avec de moindres forces. On s’est demandé ce que cela signifiait. Le gouvernement serbe ne pouvait pas se dispenser de poser officiellement la question à Solia. Il l’a fait, et le moins qu’on puisse dire de la