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neutres, si sévères pour la France, dont les bureaux de rédaction se trouvent dans quelques sacristies italiennes et quelques anciens corps de garde carlistes, et leur proposer un défi. En toute loyauté, pensent-ils que leurs pays auraient pu traverser avec le même calme et le même succès les épreuves auxquelles la France catholique a été soumise ?

J’ai vu le début de ces épreuves dans ma jeunesse, quand tout à coup le préfet Herold et le Conseil municipal chassèrent les instituteurs religieux des écoles de Paris. Les ministres d’alors répétaient aux catholiques : « Créez des écoles libres : c’est votre droit. Il sera respecté. » M. Goblet, président du Conseil, tenait ce langage à la tribune de la Chambre. Je n’ai jamais douté des sentimens libéraux de M. Goblet. Mais le Conseil municipal avait d’autres soucis que celui de la liberté d’autrui : il ne disposait encore ni de locaux suffisans, ni d’un personnel capable de recueillir et d’instruire 70 000 enfans de Paris, auxquels il ôtait les maîtres choisis par les parens. L’embarras eût été grand, si les catholiques, justement mécontens, avaient abandonné la partie.

J’entends encore, dans une réunion tenue à l’archevêché, la voix sévère du vénérable cardinal Guibert, repoussant une pareille proposition. « Usons, disait-il, pour le bien, de la liberté, tant qu’elle nous sera laissée. »

Et, pendant vingt-cinq ans, grâce au désintéressement des religieux, et à la générosité de Paris, 70 000 enfans fréquentèrent les écoles libres : dans des maisons de verre, comme dit M. Buisson et sous l’œil de la nation, qui se trouvait alors être l’œil même de M. Buisson, directeur de l’enseignement primaire. Si l’on estime seulement à cent francs par an la dépense d’un élève de l’école primaire, ce fut, pendant cette période, un allégement de deux cents millions pour les finances de la Ville. A l’Exposition de 1000, les Frères furent comblés de félicitations et de récompenses officielles, par les pédagogues les plus réputés. Il est vrai que, trois ans plus tard, ils furent déclarés, par les mêmes personnes, indignes d’enseigner !

Je ne cite ces faits que pour montrer combien ces prétendues réformes sont peu profondes, et qu’elles peuvent se faire et se défaire du vivant et sous l’autorité des mêmes personnes.

Je suis assez ancien député pour avoir entendu l’honnête et courageux Eugène Spuller annoncer l’avènement nécessaire