Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les églises ruinées autour d’Arras, d’Albert, de Soissons. Quand on a vu à Nomeny, où pas une maison n’a été épargnée par l’incendie, les tabernacles et les reliquaires de l’église brisés et mêlés aux débris des murs, on peut assurer qu’il n’a rien exagéré. Il cite M. Nothomb : « Comme otages, les Allemands cherchent particulièrement les prêtres. Comme jouets et comme victimes, ils les cherchent encore. » Et M. Grondijs : « Les prêtres sont particulièrement insultés par les soldats. » Ces crimes des soldats allemands ne font que servir les passions de leur maître. Guillaume II écrit à la landgrave de Hesse, qui venait de se convertir : « Je hais cette religion que tu as embrassée… Tu accèdes à cette superstition romaine dont je considère la destruction comme le but de ma vie ! »

Qu’on veuille bien lire ensuite et mettre en parallèle avec le précédent le beau chapitre écrit par Mgr Baudrillart sur La Religion dans l’armée française. Organiser, augmenter le service des aumôniers a été la dernière bonne œuvre d’Albert de Mun. La liste est longue des prêtres-soldats qui ont donné leur vie. Et, sur les soldats chrétiens, l’éminent historien rapporte de nombreux récits, qui, gardant le ton souriant de l’anecdote, racontent d’héroïques actions.

Après cette revue passée dans les deux camps, l’opinion de M. Auguste Melot, député de Namur et témoin direct, paraîtra justifiée. « L’invasion allemande, écrit M. Melot, cité par M. Veuillot, fut persécutrice de la religion et des prêtres. Elle s’attacha à détruire les monumens de la foi catholique et prit, dans certaines régions, le caractère d’une guerre de religion. »

Le recueil contient de touchantes et patriotiques lettres des cardinaux et des évêques français.

Il se termine par la réponse, si hautement philosophique, de l’Institut catholique aux intellectuels allemands.

« Quand on identifie, dit ce manifeste, ses propres idées avec le vrai, sa propre conduite ou celle des siens, avec le juste, on n’est pas loin de méconnaître en pratique cet absolu que l’on admet en principe ; on le plie à soi au lieu de se régler sur lui et on se fait la mesure des choses. »

C’est-à-dire qu’on a préféré Protagoras à Socrate, Kant à Descartes, la Force relative à l’Eternelle Justice, et la religion de l’Empire au Dieu des Chrétiens.


DENYS COCHIN.