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On le verra d’ailleurs, dans les lettres qui vont suivre, dont les premières sont adressées à Arthur Bary. Pour se remettre de la fatigue du concours d’admission à l’Ecole normale, celui-ci a gagné, avec sa famille, la forêt de Fontainebleau, et About, resté aux écoutes, lui transmet l’écho des bruits qui courent. Quelques-uns sont faux, — par exemple, si Hermile Reynald ne réussit pas à entrer alors à l’Ecole normale et n’y pénétra que l’année suivante, il n’en est pas de même pour Paul Albert qui fut admis, et brillamment. — Le reste est plus intime : About entrevoit, lui aussi, le repos champêtre après le labeur de l’esprit et dit comment il espère avoir ce délassement. Sa mère, veuve, était dame de compagnie d’une Russe, la générale comtesse Pankratieff, et il avait fallu décider celle-ci à une villégiature proche de Fontainebleau.

« Mon cher ami, écrit About à Bary, tu n’avais pas besoin de me rappeler par l’entremise de Lefèvre les engagemens que j’ai pris envers toi ; mais je lui suis reconnaissant de m’avoir donné ton adresse.

« Je vais au plus pressé : tu es admissible, Quinet aussi, moi aussi. Dans quel rang ? Je n’en sais rien. L’Ecole fait la bête et ne veut rien en dire. Dieu sait combien je trime depuis deux jours pour savoir ces malheureux rangs ! Les professeurs l’ont fixé hier soir : à huit heures tout était fini. Je suis allé à l’Ecole, mais je n’ai pu rien apprendre. On m’a renvoyé à ce matin, et, ce matin, on a refusé de me dire nos numéros. J’ai vu le mien par surprise : il n’est pas brillant. Libert est le premier, Taine le second, et moi le troisième. J’ai fait tous mes efforts pour voir les vôtres : impossible. Je pense qu’on les verra bientôt dans les journaux.

« Une bonne charge : Reynald n’est pas admissible, et encore devine qui ? un des plus fendans, Albert ! Je me le suis fait répéter deux fois. Piocheras-tu un peu ton grec, ton latin et ton français pour l’oral ? Pour moi, je me promets d’y jeter de temps en temps les yeux à Fontainebleau, si j’ai ce loisir.

« Car je vais à Fontainebleau, et bientôt, et avec tout mon monde. La petite Olga, — fille de Mme Pankratieff, — soupirait après la campagne ; de mon côté, j’étais bien aise de ne pas quitter ma mère, tout en prenant des vacances ; et enfin la générale aime beaucoup le raisin. Tu devines le reste : j’ai parlé d’abord en l’air d’aller visiter la, forêt, mais j’ai dit qu’il fallait