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y a-t-on pensé, car il n’est pas admissible que l’on ait perdu de vue l’avantage des feux courbes et des projectiles spécialement organisés pour la destruction des ouvrages à terre. Mais laissons cela. L’obstacle capital à la continuité du bombardement se trouva dans les conditions météorologiques fâcheuses de la saison où s’engageait l’affaire. On se rappelle combien de fois les communiqués officiels répétèrent cette phrase : « Le mauvais temps a interrompu les opérations… » Et cela fait regretter d’autant plus que l’on n’eût pas, dès le début du conflit, occupé la pointe de la presqu’île, de Seddul Bahr au vallon du Suan-déré, d’où l’on aurait pu battre avec les pièces appropriées, quelque temps qu’il fit, le groupe d’ouvrages de Kilid Bahr, pris d’écharpe ou de revers. Etait-ce possible en novembre dernier, à l’époque de la première démonstration navale contre les Dardanelles ? Je ne prétends pas en décider.) Au demeurant, pour n’être point absolument classique et conforme aux bonnes règles dans son développement, l’attaque menée par la flotte combinée eût probablement réussi, tant N étaient puissans les feux directs des canons de 254, de 305 et de 381 millimètres mis en action, si les défenseurs n’avaient eu à leur disposition les redoutables engins de la guerre sous-marine.

Nous savons fort bien, quoi qu’en aient pu dire, depuis, les officiers allemands qui dirigent les canonniers turcs des Dardanelles, que les trois cuirassés qui ont succombé le 18 mars ont été frappés par des mines sous-marines. Le Bouvet l’a été en particulier par une mine dérivante ou, tout au moins, par une mine fixe accidentellement détachée du champ disposé à la hauteur de la pointe Képhès, et sur laquelle il est passé, tandis qu’après avoir fourni ses feux sur les groupes Tchanak et Kilid Bahr, il revenait vers l’entrée du détroit en passant assez près de la côte asiatique. Les projectiles turcs ne sont donc pour rien dans ce pénible incident, et les assertions allemandes n’ont d’autre objet que d’essayer de mettre en relief, à la fois la puissance des-canons Krupp des forts ottomans et la valeur des instructeurs germains. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, que la flotte alliée n’ait pas souffert des feux convergens auxquels elle se trouvait en butte dès qu’elle se présentait à l’ouverture du goulet Tchanak-Kilid Bahr. Mais ce n’étaient pas ces feux qui pouvaient couler un cuirassé d’escadre en deux