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elles ont déchaîné la guerre à son insu, l’ont déliée de celui qu’elle avait avec elles. L’Italie était libre et, n’ayant d’obligations dans aucun sens, elle n’avait à consulter que son intérêt. Qu’elle l’ait reconnu tout de suite du côté de la Triple-Entente, la promptitude qu’elle a mise à proclamer sa neutralité et le soin qu’elle a pris de dégarnir notre frontière commune des forces militaires qu’elle y avait concentrées, en sont une preuve. Si elle n’a pas fait davantage et s’est confinée pendant neuf mois dans la neutralité, c’est qu’elle n’avait pas prévu la guerre et n’y était pas préparée. L’avions-nous prévue, nous y étions-nous suffisamment préparés nous-mêmes ? Non sans doute, et nous serions mal venus à adresser à l’Italie un reproche que nous avons mérité plus qu’elle, puisque nous étions beaucoup plus directement menacés. Quoi qu’il en soit, son année n’était pas prête. Du long et pénible effort qu’elle avait fait en Tripolitaine elle était sortie victorieuse, mais fatiguée, sans parler de l’usure que son matériel de guerre avait éprouvé. Ses finances mêmes avaient besoin de quelque repos. Pour tous ces motifs, l’Italie n’était pas en situation, il y a neuf mois, d’intervenir immédiatement dans l’immense conflit. Un temps de répit lui était nécessaire. On sait comment elle l’a mis à profit. Elle avait, au début, un ministre de la Guerre comme nous en avons eu quelques-uns nous-mêmes, qui avait pris son ministère au rabais et n’avait pas maintenu ou rétabli la défense nationale au niveau des obligations qu’imposait impérieusement la situation nouvelle. Le ministre a été changé ; les crédits indispensables ont été demandés au patriotisme de la Chambre et votés sans difficulté ; depuis ce moment, l’œuvre a été poursuivie et menée à bien avec une activité qui ne s’est pas un seul instant relâchée. Il s’est passé en Italie, — toutes proportions gardées, — quelque chose d’analogue à ce qui a eu lieu en France au commencement de la guerre. La résistance héroïque de la Belgique nous a donné le temps de mettre notre résistance au point : à son tour, notre résistance, qui nous a si fort grandis dans l’estime du monde, a permis à l’Italie de remettre son armée sur pied pour la défense de ses intérêts. Entrer prématurément dans la guerre aurait été pour elle une aventure ; si elle y entre demain, elle le fera avec toutes les chances de succès dont la prévoyance humaine peut s’entourer. Elle a attendu le moment le plus favorable : ce moment est venu, et il n’y a plus maintenant pour elle qu’à ne pas le laisser échapper.

Pendant ces neuf derniers mois, l’action diplomatique semble s’être constamment mêlée à la préparation militaire. L’Italie est, à un degré