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en Grèce et il est pour le moment impossible de prévoir quelles en seront les suites. Le gouvernement actuel semble renoncer à faire des élections prochaines, ce qui donne à penser qu’il est peu sûr d’avoir la majorité dans le pays : d’autre part, comment pourra-t-il gouverner avec une Chambre dont la majorité appartient à M. Venizelos, qui ne lui a nullement rendu sa liberté ? Il paraît avoir accepté, avec toutes les conséquences possibles, la guerre qu’on lui a imprudemment déclarée. Il a annoncé l’intention de se retirer provisoirement de la vie politique, c’est-à-dire de ne pas se présenter aux élections prochaines ; mais ses amis ont annoncé celle de l’y présenter malgré lui, et c’est peut-être pour ce motif que le gouvernement écarte, ou du moins éloigne autant que possible l’éventualité de ces élections. Les amis de la Grèce ne peuvent que regretter ce que cette situation, dans un moment comme celui-ci, a de troublé et d’aléatoire. On nous permettra d’ailleurs, car ce n’est pas notre affaire, de ne pas prendre parti entre M. Venizelos et ses ennemis, où qu’ils soient. L’avenir montrera qui a eu raison des uns ou des autres.

Au surplus, le Cabinet actuel a déclaré que la politique générale n’était pas modifiée et les dernières nouvelles le présentent comme disposé à sortir, lui aussi, de la neutralité. Le Messager d’Athènes, organe, dit-on, du ministère de la Guerre, fait même connaître les conditions qu’il met à son intervention. C’est une alliance formelle qui est proposée aux Alliés, et le caractère peut en être défini en deux mots : la Grèce cherche à avoir en Asie les mêmes avantages qu’avec M. Venizelos, sans accepter les mêmes charges en Europe. L’une des conditions est ainsi rédigée : « Compensations territoriales en Asie-Mineure ; Smyrne avec un vaste arrière-pays, facilités financières pour que le territoire puisse être mis en valeur. » Le mot « compensations » ne paraît pas être ici bien exact. Compensations à quoi, en effet ? La Grèce ne fait aucun sacrifice. Mais la Bulgarie, demandera-t-on, que fera-t-elle ? Est-elle supprimée de la carte des Balkans ? L’immense danger qu’elle faisait courir à tous ses voisins est-il conjuré, dissipé ? Il l’est dans la pensée du gouvernement hellénique par les deux conditions suivantes qu’il met encore à son action militaire : « L’alliance devra survivre à la guerre, afin de permettre à la Grèce d’organiser ses nouveaux territoires et d’en assurer la défense contre toute agression. Les Puissances alliées devront accorder à la Grèce des garanties contre tout danger du côté bulgare. » Rien de plus simple, on le voit : le danger bulgare est supprimé pour la Grèce par l’intervention et la garantie des Puissances. Dès lors, à quoi bon