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l’Allemagne, et la Prusse tout particulièrement, étaient encore pauvres, que l’unité faite par la guerre et la victoire était loin d’être achevée, que bien des problèmes restaient à résoudre. — — Considérez enfin que le prince chancelier, né en 1815, était surtout un homme de 1848, que l’expérience qui l’avait le plus instruit était celle de cette grande année révolutionnaire, et qu’il avait compris que l’unité allemande, vainement cherchée et poursuivie par les idéologues du Parlement de Francfort, ne serait conquise et maintenue en quelque sorte que du dehors, par une diplomatie heureuse secondant et complétant les exécutions militaires nécessaires.

Le règne de Guillaume Ier, de 1871 à 1888, et la politique du chancelier jusqu’au mois de mars 1890 peuvent, en quelque mesure, être caractérisés comme un règne et une politique de conservation et de paix. L’Empereur et son ministre, attentifs avant tout au maintien de la paix et de l’unité allemandes, s’appliquèrent, dans les premières années qui suivirent la victoire de l’Empire, à ménager et à se concilier les deux Puissances dont l’attitude importait le plus : la Russie, avec laquelle Guillaume Ier a, par affection de famille, par tradition dynastique, par gratitude, cultivé soigneusement ses relations ; l’Autriche qui, vaincue en 1866 et éliminée de l’Allemagne, devait être avec d’autant plus de soin apaisée et ramenée. Dès le mois d’août 1871, l’empereur Guillaume Ier rend visite à Ischl à l’empereur François-Joseph. Ce dernier rend la visite à Berlin, au mois de septembre 1872, avec son premier ministre, le comte J. Andrassy, qui a, depuis quelques mois, succédé au comte Beust. L’empereur de Russie, Alexandre II, assiste avec le prince Gortchakof à cette entrevue, au cours de laquelle des notes sont échangées entre les trois souverains pour le maintien du statu quo territorial, pour la solution des questions d’Orient, pour la répression de l’esprit révolutionnaire et anarchique. L’année suivante, au printemps de 1873, Guillaume Ier se rend, avec le prince de Bismarck, d’abord à Saint-Pétersbourg, puis à Vienne. C’est, sinon la reconstitution de la Sainte-Alliance d’autrefois, du moins une sorte d’alliance des Trois Empereurs, et c’est cette combinaison qui, jusqu’à la crise orientale de 1876-1878, sert à consolider le nouvel Empire, à le préserver, soit contre le péril d’une coalition, soit contre toute tentative dont reflet serait le rétablissement, en Europe, de l’ancienne et