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ordonna qu’ils seraient désormais écrits en français, « sous peine de nullité et de 500 livres d’amende ». Il n’y avait à cela aucune difficulté pour le Conseil souverain, mais, pour les tribunaux inférieurs, la gêne eût été grande. L’arrêt resta inappliqué jusqu’à la veille de la Révolution. Dans l’édition des Ordonnances d’Alsace de 1775, il porte encore en note la mention : « non exécuté généralement ». Le Conseil souverain n’en exigea la mise en vigueur qu’au bout d’un siècle, en 1786.

Le Conseil souverain d’Alsace, ramené de Brisach à Colmar en 1698, après la perte de Brisach, s’était donc bien adapté à l’Alsace, tout en adaptant peu à peu l’Alsace à la France. Au commencement du xviiie siècle, un Alsacien resté au service de l’Empire, François d’Ichtersheim, écrivait dans sa Topographie d’Alsace parue à Ratisbonne : « Le Conseil souverain existe encore à Colmar et y fait régner stricte justice. Ce qu’il faut tout particulièrement louer chez les tribunaux français, c’est que les procès n’y durent pas longtemps. Les plus longs et les plus compliqués y sont terminés au bout de trois ans, révision comprise, et, après cela, il n’y a plus de retards, mais la sentence est immédiatement exécutée. Les frais n’y sont pas considérables ; surtout, on n’y regarde aucunement à la situation des plaideurs, et l’on y voit tout aussi souvent le sujet gagner son procès contre son seigneur, le pauvre contre le riche, le serviteur contre son maître, le laïque contre un clerc, le chrétien contre le juif, que vice versa. Oui, le Roi lui-même accepte la juridiction du Conseil souverain pour des questions de droit et abandonne les prétentions que le procureur fiscal combat. » Ce témoignage est de 1710, postérieur d’un an à celui de la brochure de Schmettau. Il n’implique pas que « les Alsaciens soient plus Français que les Parisiens », mais il montre que la justice française, dont le Conseil souverain est la plus haute et la plus pure expression, a conquis leurs suffrages. La justice étant l’attribut le plus noble de la souveraineté, on peut dire que le Conseil souverain a droit de revendiquer une grande part dans le ralliement de l’Alsace à la souveraineté française.


IV

Depuis le commencement de la guerre de Hollande, depuis 1673, avons-nous dit, la monarchie française avait orienté fran-