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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/259

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dans l’automne de 1914 entre les Empires germaniques et la Turquie, il n’y avait qu’un pas qui a été vite franchi. La politique orientale de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne, qui devait devenir l’occasion ou le prétexte de la guerre actuelle, aura été en tout cas l’une des causes principales qui ont le plus détourné l’Allemagne et son alliée de la voie suivie pendant vingt ans par le prince de Bismarck et les ont livrées à toutes les tentations du démon de l’hégémonie.


V

Pendant la première période de l’alliance franco-russe, de 1891 à 1905, si la France et la Russie se montrent entièrement unies et solidaires sur tous les points, dans toutes les questions qui se présentent ; si sur toute la ligne de l’horizon politique leurs drapeaux flottent l’un à côté de l’autre, l’équilibre dès lors parait assez nettement établi pour que les deux systèmes, les deux groupes entre lesquels l’Europe se partage soient considérés comme des garanties et des gages de la paix.

C’est l’époque où l’empereur Guillaume II, tout en cultivant assidûment ses relations avec les cours de Vienne et de Rome, recherche aussi la cour de Russie et affecte vis-à-vis de la France elle-même des attentions, des prévenances parfois gênantes. C’est le temps aussi où le chancelier de l’Empire ne craint pas de désigner les deux systèmes d’alliances comme « les piliers de la paix. »

L’Allemagne était encore dans la période de préparation, pendant laquelle, comme le prince de Bülow l’a expliqué, elle avait intérêt à ne pas se découvrir. Peut-être aussi croyait-elle conserver et maintenir avec la Russie des liens qui paralyseraient l’union de la Russie avec la France. Elle espérait, d’autre part, que l’état intérieur, les divisions politiques de la France ne permettraient pas à l’alliée de la Russie une grande activité au dehors. Elle pensait enfin que les dispositions peu sympathiques alors de la Grande-Bretagne à l’égard de la Russie et de la France contribueraient à contenir l’alliance franco-russe dans les limites d’une défense du statu quo dont elle n’avait pas à s’inquiéter.

C’est pourquoi l’empereur Guillaume II apparaît alors comme le souverain pacifique, très attentif sans doute et plein