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sentans de cet ordre de choses ». Quel contraste avec la tyrannie tracassière, inquisitoriale, pressée et pressante, de certains États modernes, qui ne songent qu’à passer le rouleau compresseur sur leurs populations annexées !


C’est surtout sur l’école et sur la caserne que comptent aujourd’hui les conquérans impatiens pour « démarquer » et nationaliser de force leurs nouveaux sujets. Ils se figurent qu’une langue imposée agit favorablement sur l’état mental et que le service militaire obligatoire sous un drapeau détesté inculque le loyalisme. On ne voit pas trace de pareilles prétentions dans l’attitude de l’ancienne France à l’égard de l’Alsace.

En ce qui touche l’école, c’est extrêmement simple. Le gouvernement ne s’en mêle pas, ou ne s’en mêle qu’accidentellement, lorsqu’un intérêt religieux est ou parait être en jeu. L’école en Alsace est toute au service de la religion, et non de l’État. Du haut en bas, l’enseignement est confessionnel. L’Université de Strasbourg est protestante, elle est à peine un foyer de culture générale, et nullement un foyer de culture française. Les cours continuent à se faire uniquement en allemand, souvent par des professeurs allemands, et la seule intervention nationaliste qu’on puisse relever de la part du gouvernement de Louis xiv, c’est l’obligation de ne plus prendre que des professeurs indigènes. Encore laissa-t-on en fonctions, jusqu’à sa nomination à la Chambre impériale de Spire en 1698, le professeur de droit Frédéric Schrag, qui ne faisait pas mystère de ses sympathies allemandes. Il n’y a là rien de bien tyrannique. L’Académie catholique de Molsheim n’est pas davantage forcée de travailler ad majorem regis gloriam. Les Jésuites qui y professent appartiennent jusqu’en 1702 à la province de Trêves ; à cette date, l’Académie est transférée à Strasbourg sous le nom d’Université épiscopale et confiée à des Pères de la province de Champagne, mais ni l’esprit, ni le programme, ni la langue de l’enseignement (qui est le latin), n’en sont brusquement changés.

Le même caractère confessionnel et étranger à toute pensée de francisation systématique se retrouve dans les établissemens d’enseignement secondaire. Les gymnases protestans, dont le plus célèbre est celui de Strasbourg, déjà centenaire en 1638, perdent du terrain ; les collèges catholiques en gagnent et sont