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ne redoute comme producteur aucun rival, il faut descendre dans le détail, et l’on verra, bien au contraire, que la plupart de ceux qui ont vraiment lutté contre lui avec les procédés modernes l’ont battu. Je parlais tout à l’heure de notre infériorité sous le rapport des instrumens de musique ; il en est un pourtant, le clairon courbé naguère importé de Bohême, que nous avions reconquis. Pour les trompettes d’enfant que nous achetions en Allemagne, l’un de nos industriels, depuis 1912, s’est emparé complètement du marché national et a même réussi à exporter en Angleterre, en offrant un modèle de prix un peu plus élevé, mais plus solide et mieux conditionné.

Les modestes jeux de patience que nous fabriquions suivant de vieilles méthodes, avec des gravures d’Epinal assez grossières, se virent tout à coup délaissés pour la collection magnifique des chromos allemands qui arrivaient en masse à très bon marché ; dans les jeux.et cartonnages que l’on trouvait il y a vingt ans chez le détaillant, il n’y avait souvent que la boite qui.ne vînt pas de Fürth. Depuis lors, nos compatriotes se sont ressaisis, quelques-uns se sont groupés en syndicat comme « les Jeux et Jouets français, » réunion de huit anciennes maisons, et ont peu à peu évincé leurs concurrens étrangers en offrant pour quelques sous des puzzles perfectionnés obtenus à l’emporte-pièce.

Le soldat de plomb, lui aussi, venait souvent d’Allemagne sous un uniforme français. A vrai dire, sa vente était tombée à peu de chose au cours de la période antimilitariste qui coïncida avec le ministère Combes, André, Pelletan ; de même que celle des fusils d’enfans qui ne dépassait pas, il y a douze ans, 150 000 francs par an environ, tandis qu’elle s’élevait à un million en 1913, au moment du vote de la loi de trois ans, avec le noble réveil de l’esprit patriotique. Les soldats de bois, de carton, de fer-blanc, reprirent leur place à tous les foyers : les plus modestes logèrent les fantassins de pâte à un sou ou ceux de métal plat en silhouette, à 80 centimes la grosse de douze douzaines ; chez les riches, furent hébergés les cavaliers luxueux à 1 fr. 4.5 la pièce, montés sur des chevaux vernis et ombrés à l’aérographe, ou les troupiers en relief, équipés et habillés en peinture par quinze mains successives dont chacune fait sa couleur ou son détail particulier.

Le marché national a été largement approvisionné de 75